La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

Suicides assistés
| 26 Sep 2015

“Chine : il tente de suicider en sautant d’un immeuble, tombe sur un cycliste qui en meurt, et remonte pour recommencer”.

L’homme avait pour le moins de la suite dans les idées, si bien qu’il semblait prêt à aplatir un deuxième passant. Fort heureusement, des pompiers présents sur la scène du drame ont empêché le suicidaire de se jeter une nouvelle fois dans le vide. Cette affaire singulière a eu pour cadre une rue de Shantou, dans la province du Guangdong. Il est vrai qu’en Chine on attente volontiers à ses jours (quatre tentatives par minute) et que l’on y réussit souvent (287.000 morts par an). Comme la défenestration est une méthode très utilisée dans les villes verticales, comptant par exemple pour plus de la moitié des suicides dans une mégalopole comme Hong Kong, il est fatal que des passants finissent par en faire les frais. Peu de temps avant le drame de Shantou, une femme avait été grièvement blessée à Shenzhen par la chute d’un désespéré qui, lui, ne s’était pas raté. Quelques mois plus tard, à Shantou de nouveau, un homme de 64 ans se jetait du seizième étage d’un immeuble pour tomber sur un garçon de 22 ans qui passait par là en scooter. Carton plein cette fois : tous deux sont morts.

L’autre singularité des deux drames de Shantou est qu’ils ont été captés par des caméras (voir – ou pas – sur youtube). La profusion contemporaine des smartphones et des réseaux de télésurveillance fait que ce genre de faits divers peut désormais régaler la planète entière via Internet. Régaler n’est pas ici un verbe inadéquat : les tentatives de suicide engendrent un phénomène de voyeurisme qu’un chercheur américain a analysé dans une étonnante étude publiée il y a quelques années par le Journal of Personality and Social Psychology. Vingt et un cas étaient passés en revue dans lesquels un désespéré était perché sur un pont, un immeuble ou une tour, hésitant à sauter, tandis qu’une foule curieuse se rassemblait au pied de l’édifice. Eh bien dans la moitié des cas, des témoins s’étaient mis à encourager le suicidaire à passer à l’acte, hurlant injures et quolibets.

Les choses ne semblent pas s’être améliorées depuis puisque tout récemment – retour en Chine – une jeune femme surendettée a grimpé sur un immeuble de bureaux dans la province du Shaanxi, hésitant à faire le grand plongeon et, tandis que la police tentait de récupérer la désespérée sur le toit, des élèves sortant de leur école primaire se sont rassemblés au pied de l’édifice pour se mettre à crier des choses comme : “Allez vas-y, saute ! Saute pour nous !” Comme les policiers sont finalement parvenus à maîtriser la jeune femme, les écoliers ont été privés du spectacle. Dommage, la télé n’avait pas à en offrir de meilleur.

Le surmenage qui touche de nombreux jeunes Chinois dans les “zones économiques spéciales” (Shantou et Shenzhen en font partie) conjugué à la formidable moisson d’images du Web aboutissent à ce résultat : les tentatives de suicide deviennent de nouveaux jeux du cirque. A Rome, on a fini par se calmer. En Chine, où les lois du marché triomphent enfin, ce n’est sans doute qu’un début.

Édouard Launet

Sciences du fait divers

 

[print_link]

0 commentaires

Dans la même catégorie

30 millions d’ennemis

“‘Ne tire pas !’ : les mots d’un perroquet pourraient être utilisés dans un procès pour meurtre.” Le perroquet gris du Gabon est réputé bavard, intelligent et sociable. Il réclame cependant beaucoup d’attention et une alimentation étudiée. Par ailleurs, évitez de tuer quelqu’un en sa présence car il pourrait cafter. C’est le cas de Bud, perroquet depuis bientôt vingt ans, qui ne cesse de répéter “Don’t fucking shoot !” depuis que son propriétaire a été abattu de plusieurs coups de revolver. L’animal répète aussi – en y mettant les intonations – un dialogue qui ressemble fort à une dispute conjugale. La femme de la victime est ainsi la principale suspecte, et son sort repose entre les mains d’un procureur  qui n’exclut pas de faire témoigner le perroquet.  (Lire l’article)

Comme une vache espagnole

Après une opération chirurgicale, un Italien se réveille en parlant français.”  Son cas a fait l’objet d’une étude publiée dans la revue Cortex où l’on découvre que l’homme parle un français très approximatif mais “avec un rythme rapide, en employant une intonation exagérée et en utilisant une prosodie de film faisant de lui la caricature d’un Français”. Tous les matins, au réveil, l’homme crie “Bonjour !” en ouvrant joyeusement les volets et se met à débiter des phrases dans la langue de Molière et Houellebecq devant sa famille désemparée. Cet Italien serait victime du syndrome de la langue étrangère. À ne pas confondre avec le syndrome de l’accent étranger, un peu plus fréquent. (Lire l’article)

Electroménager blanc, idées noires

Elle achète un congélateur et trouve un cadavre dedans.” Une Américaine de Caroline du nord rachète un congélateur à sa voisine qui s’apprête à déménager. Quelques jours plus tard, l’acheteuse ouvre l’appareil et découvre qu’il contient un cadavre, celui de la mère de la voisine. Ce sont des choses qui arrivent… En lisant le titre de cette dépêche de l’AFP, je me suis pris à rêver qu’il s’agissait d’un congélateur neuf, tout juste livré par un grand magasin d’électroménager. Il aurait été possible de tracer un parallèle avec le magnifique plan séquence qu’Alfred Hitchcock souhaitait glisser dans la Mort aux trousses. (Lire l’article)

Arts de la soupe et de la grimace

“La championne du monde de grimaces fait un malaise juste après la compétition.” Elle venait de quitter la scène après avoir été sacrée championne du monde de grimaces, dans la ville anglaise d’Egremont. Subitement Anne Woods s’est évanouie et a dû être hospitalisée. Elle est sortie de l’hôpital quelques heures plus tard. Peut-être y aura-t-il un suivi médical des athlètes à l’avenir. En revanche, il n’y aura pas de prochaine édition du championnat du monde de sauna. En 2010, sa onzième et dernière édition s’est soldée par la mort de l’un des deux finalistes et l’hospitalisation de l’autre dans un état grave. La vie du sportif de haut niveau, en toutes disciplines, n’est pas que fleurs et gloire. (Lire l’article)

Scène de ménage avec freezer

Une femme frappe son compagnon avec un steak.” C’est un dimanche après-midi morose en Louisiane, le ventilateur tourne, les marais grouillent de bruits étranges, Edith picole. Lorsqu’elle ouvre la porte du freezer pour y enfourner une nouvelle bouteille de Tequila Rose, cette femme de 47 ans s’aperçoit que son compagnon Jerry a rempli le frigo jusqu’à la gueule, au point que même une bouteille n’y entrera pas. En conséquence de quoi, Edith attrape un steak congelé et le lance de toutes ses forces sur Jerry. Il aura fallu plus d’un demi-siècle pour que l’attaque à la viande congelée passe de la fiction à la réalité. (Lire l’article)