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Trajal Harrell, gentleman cambrioleur
| 06 Juil 2015

Trajal Harrell, chorégraphe et danseur new-yorkais (on ne peut faire dans le genre plus américain ou plutôt Noir-américain) est un gentleman cambrioleur. “C’est mon imagination, dit-il, qui me transporte d’un endroit à l’autre, j’ai l’impression de voler”. Il est comme on les aime, comme Raimund Hoghe (comme Jean-Paul Montanari, le directeur du festival Montpellier Danse les aime aussi), des pas vraiment chorégraphes, des pas vraiment danseurs, des pas vraiment dans le rang, des empêcheurs de tourner en rond et surtout d’aller tout droit.

Trajal Harrell n’a que des idées saugrenues (de celles qui par ailleurs ont fait progresser la science ou l’art). Là, en plein festival Montpellier Danse, il y va fort et n’hésite pas à voler chez les autres pour construire son propre langage. Dans Le Fantôme de Montpellier rencontre le samouraï, il touche à la personne la plus sacrée, malheureusement décédée en 1992, le chorégraphe Dominique Bagouet, figure emblématique de la ville où il créa l’un des premiers centres chorégraphique nationaux. Et dans son envol, le chorégraphe le relie à une autre figure, cette fois japonaise, Tatsumi Hijikata (1928-1986), performer hors pair, co-inventeur du mouvement butô avec Kazuo Ohno, hanté par Gide, Artaud et les lendemains d’Hiroshima. Un de ses « disciples », Kô Murobushi vient de disparaître en juin 2015. Encore un fantôme des plus aimables qui vendra nous visiter plus tard.

Quel rapport entre Bagouet et Hijikata ? Aucun, sauf dans les neurones ou la puce implantée dans la tête de Trajal Harrell. Il nous avait déjà fait le coup en reliant dans Twenty Looks or Paris is burning at the Judson Church les expérimentations de la post-modern américaine avec le voguing. On avait bien supporté l’opération de téléportation. Là aussi, hormis quelques spectateurs qui cherchaient la trace de Bagouet ou du samouraï qui n’en fut jamais un. Le spectacle démarre par le discours de la rédactrice en chef du magazine Vogue, aussi mal sapée, arrogante et ignorante que beaucoup de rédacteurs en chef de divers horizons.

Ensuite, c’est un vaste bordel, avec plein de gadgets inutiles, un écran sur lequel rien n’est projeté, des défilés de mode, des concours où l’on gagne des roupies de sansonnet ou des euros grecs. En revanche, dans ce bazar très souk américain, certains moments de danse sont à savourer, mêlant hip hop, voguing, tout en douceur, coulés, suaves. Hijikata et Bagouet que l’on a pu joindre grâce à la puce de Trajal Harrell n’ont pas boudé leur plaisir, tout en soulignant que trop de gadgets indisposent les samouraïs de la danse.

Marie-Christine Vernay
Danse

Prochaines représentations du 14 au 17 octobre au Centre Pompidou, dans le cadre du Festival d’Automne à Paris.

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