La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

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Les choix de délibéré – 19 avril 2017
| 19 Avr 2017

LIVRES

   

Il était une fois…

C’est un roman qui passe par les yeux, la voix, les mots écrits et entendus. Ceux d’une fillette qui pousse dans le ventre de sa mère et assiste au saccage d’une université iranienne par des barbus qui cassent les crânes. D’une gamine six ans plus tard qui hurle et pleure à l’aéroport pour revoir son père. D’une adolescente aussi qui apprend le français du côté de Drancy et les mots qui parlent d’une mère courageuse jusqu’à l’irresponsabilité. « Je serai le témoin. J’ai vu. Je raconterai. » Premier roman de Maryam Madjidi née en 1980 à Téhéran. Entre fable, journal, poème et conte. Percutant et sensible. Gros coup de cœur. LB

Marx et la poupée de Maryam Madjidi, Éditions Le Nouvel Attila

      

Du plomb dans les rêves

Mensonges. Stratégie de la tension. Manipulations. Attentats et répressions. On ne connaît pas assez l’histoire de l’Italie de l’après-guerre et la mise sous tutelle de cette démocratie. Laboratoire de ce qui s’observe ailleurs aujourd’hui, la botte fut un formidable terrain de jeu où se fourvoya toute une jeunesse coincée entre Moscou et une coalition d’intérêts idéologiques, économiques et stratégiques. Stefano Guerra a choisi le damier noir. Un salaud, pour autant ? Un ange déchu ? Un psychopathe, pion dans les mains de marionnettistes ? Un profil et une histoire passionnante en tout cas. LB

Les noirs et les rouges de Alberto Garlini, traduit de l’italien par Vincent Raynaud, Folio Policier

    

CINÉMA

   

Touffu

The Lost City of Z, de Charlie Hunnam, Robert Pattinson, Sienna Miller…Nous voici embarqués dans les allers-retours du colonel Percy Pawcet, explorateur du début XXe siècle, entre son Angleterre natale, là où vivent femme et enfants, et la lointaine Amazonie, là où il aurait trouvé les traces d’un nouvel El Dorado : une antique civilisation cachée dans la jungle… Mais si James Gray confirme une science certaine de l’esthétique et de l’acteur, film et spectateur s’épuisent dans un tel mouvement de balancier, à l’instar du protagoniste lui-même, perdu entre son foyer et son obsession, au point d’embarquer son fils dans cette aventure sans fin. À circuler d’un continent à l’autre, on se souvient de Greystoke la légende de Tarzan ou du Nouveau Monde, mais l’œuvre ici n’a jamais tout-à-fait le temps de faire drame historique racontant l’Empire victorien, tout en positivisme colonial et en élite corrompu ; ni de nous immerger dans quelque sauvage survival en quête d’une chimère, à rivaliser avec les si poisseux chefs d’œuvre de Werner Herzog Fitzcarraldo ou Aguirre. Et c’est le fantasme même du héros, sa poursuite d’une utopie à tout prix, qui nous demeure opaque… Reste le charme mélancolique et mystérieux de l’épilogue, conclu d’un splendide plan final, variation tropicale sur Alice passée « de l’autre côté du miroir ». TG

The Lost City of Z, de Charlie Hunnam, Robert Pattinson, Sienna Miller…

          

Un roi du divertissement

Kong : Skull Sland, de Jordan Vogt-Roberts, avec Tom Hiddelston, Brie Larson, John C.Reilly…Du gorille géant né par et pour le 7art, chaque apparition révèle quelque chose du cinéma et de la société de son temps, depuis le chef d’œuvre originel de Cooper & Schoedsack – monstre polymorphe où s’expriment thèse darwiniste et imaginaire préhistorique, fantasme colonial et apocalypse sociale des années 30, ère de la publicité et poésie de l’animation… – jusqu’à son remake en 2005 par Peter Jackson, fuyant la réalité de l’époque et de l’acteur pour consacrer les dernières Merveilles numériques. Que nous raconte donc ce Kong, donné presque pour prequel, l’épisode où il aurait mérité son titre de King ? Implanté dans ces seventies qui fascinent tant aujourd’hui, la version 2017 semble d’abord choisir son attaque, en transfigurant la Bête en allégorie de la Guerre, scènes de bataille et références à Apocalypse Now à l’appui : l’officier belliciste surjoué Samuel L. Jackson se fait obsession de recommencer – et remporter – la guerre du Vietnam qu’il vient de perdre… Mais à mesure qu’on explore une nouvelle écologie de Skull Island, et qu’à l’instar du dernier Godzilla block-busterisé, Sa Majesté des Monstres s’avère davantage ange gardien que démon exterminateur, le film enfle telle la grenouille de la fable, il surenchérit dans la démesure tout en se vidant de sa substance (et il n’a ainsi plus rien à dire de la relation entre l’héroïne et la créature). Ne reste alors que le fort impressionnant show des titanomachies entre colosses de pixels – amère ironie quand on se souvient comment la seconde partie de l’œuvre initiale, l’exhibition de Kong à New York tournant à la catastrophe, ici disparue, balançait une charge violente et avant-gardiste contre la vanité de la « société du spectacle ». TG

Kong : Skull Sland, de Jordan Vogt-Roberts, avec Tom Hiddelston, Brie Larson, John C.Reilly…

 

THÉÂTRE

   

Chérie, j’ai attrapé la paella

La paella réchauffe dans la cuisine. Attention, danger : « la paella dite de Valencia est un plat qui attrape, qui gagne à être réchauffé mais qui, de l’être trop, attrape. La paella attrape. La paella supporte le réchauffement mais jusqu’à un certain point. La paella, en un sens, est l’égale de la planète qui supporte, de même, docilement le réchauffement mais jusqu’à un certain point. » Dans Show room, la nouvelle pièce de Suzanne Joubert, le point de non retour est atteint et les conséquences sont dévastatrices pour le couple qui habite l’appartement. La première du spectacle est prévue le 25 avril à Marseille. Le texte est un régal de malice noire. RS

Suzanne Joubert, Show room, éditions Les Solitaires Intempestifs
Show room, avec Marie Vayssière et Arnaud Saury, Théâtre Joliette-Minoterie, 13002 Marseille, du 25 au 29 avril

   

ARCHITECTURE

   

La représentation de l’architecte

L'architecte. Portraits et clichésDu premier bâtisseur égyptien, le vizir Imhotep (vers 2800 av. J.-C.) à la starisation contemporaine du métier de l’architecte, «clé de voûte de tous les arts », Emmanuel Bréon, conservateur en chef  à la Cité de l’architecture et du patrimoine, entend faire découvrir, par l’image, l’apparition et l’évolution de cette figure, de sa formation à ses méthodes de travail. Jules Hardouin-Mansart (1646-1708), Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806), Le Corbusier (1887-1965), Claude Parent (1923-2016) seront représentés dans cette galerie de semblances. AMF

L’Architecte, portraits et clichés, Cité de l’architecture et du patrimoine,  45, avenue du Président Wilson, 75016. Du 21 avril au 4 septembre.

   

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