La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

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Géographie au péril de la mer
| 12 Déc 2015

“Un manuel scolaire situe le Mont-Saint-Michel en Bretagne.”

L’affaire a fait un beau barouf. Pendant, disons, deux ou trois jours. Et ceci pour pas grand-chose dans le fond : dans un livre de géographie pour classe de Première paru à la rentrée 2015, une infographie a par erreur rattaché le Mont à l’Ille-et-Vilaine donc à la Bretagne, et pas à la Manche donc pas à la Normandie. Encore ne s’agissait-il que d’un encart détaillant la subtilité des partenariats État-Région dans le cadre des aménagements de la baie du Mont. Bref, rien.

Pourtant, quelques Normands se sont sentis très momentanément spoliés. La Merveille de l’Occident, c’est à nous, pas aux eux, se sont-ils étranglés. Ah bon. Il se trouve donc des gens pour revendiquer bec et ongles le supermarché à souvenirs et à omelettes de la mère Machin. Est-ce par passion pour les boules à neige et les bols à prénoms ? La réunion des Haute et Basse Normandie s’est-elle accompagnée d’un grand inventaire, histoire de ne rien oublier en route ?

Il est temps de mettre un terme à ces alarmes vaines et récurrentes car la France a d’autres chats à fouetter. Appelons-en à la sagesse de la science, ouvrons les livres d’histoire, de géographie et de droit pour sortir de cette guerre picrocholine. Ces derniers nous suggèrent quatre pistes.

1 – Un rattachement du Mont aux îles anglo-normandes, donc à la Couronne britannique. C’est ce qui est arrivé à l’archipel des Minquiers, îles situées au large du Mont qui étaient réclamées par la France et le Royaume Uni. En 1953 la Cour internationale de justice de La Haye a tranché en faveur d’un rattachement à Jersey. Donc à l’ancien duché de Normandie. Donc à la Couronne, puisque les souverains britanniques se trouvent avoir hérité du titre de Duc de Normandie. Les Minquiers s’en portent à merveille : on n’y voit aujourd’hui pas le moindre touriste japonais ni le moindre parking. Il est vrai que ces îles sont désertes et difficilement accessibles. Mais en poursuivant suffisamment longtemps les travaux de désensablement de la Baie, n’arriverait-on pas à expédier le Mont suffisamment au large ?

2 – L’indépendance pour le Mont. Le modèle cette fois est Saint-Malo. Quand la ville était encore une île, elle se constitua en République autonome. Cela ne dura guère que quatre petites années (entre 1590 et 1594) mais les Malouins en gardent un bon souvenir : “Ni Français, ni Breton, Malouin suis”. Certes, les marchands étaient riches à l’époque, ils avaient donc les moyens de cette indépendance. Mais ceux du Mont ne l’ont-ils pas tout autant ?

3- Un rattachement à la ville de Paris. Le Mont deviendrait l’antenne manchoise de la capitale. Cette solution flatterait nos inclinations jacobines. D’ailleurs, Paris possède déjà un petit bout de terre par là : celui sur lequel est posée la maison de Victor Hugo, à Guernesey. Ce ne serait donc guère qu’un élargissement de Hauteville House. De surcroît, il serait possible de faire des tickets d’entrée combinés pour le Mont, les tours de Notre-Dame et la maison Hugo. Le touriste serait heureux et la rationalité économique satisfaite.

4 – Une terre d’accueil pour réfugiés climatiques. Le niveau de la mer monte partout, sauf autour du Mont Saint-Michel où c’est le contraire apparemment. Les habitants des îles Tuvalu, qui ont déjà quasiment le pagne dans l’eau, seraient très heureux d’aller se mettre au sec sur la Merveille. Ils danseraient le fakanau en remontant la Grande Rue, ils reconstruiraient une vraie route vers le continent pour aller faire la fête tous les soirs à Avranches. Le Mont désormais tuvaluan irriguerait la France de sa culture et de ses devises.

Nous avouons une préférence pour la solution n°3, pour autant qu’une gare TGV soit bâtie au pied de l’abbaye.

Édouard Launet

Sciences du fait divers

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