La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

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Le temps d’aimer Biarritz
| 15 Sep 2015

Depuis 25 ans, chaque mois de septembre, le festival Le Temps d’Aimer (la danse) vole la vedette aux surfeurs. Sous la direction artistique de Thierry Malandain, par ailleurs directeur du Centre chorégraphique national Ballet Biarritz, proposé et soutenu ardemment par Biarritz Culture, ce curieux festival réserve toujours de bonnes (et moins bonnes) surprises, en invitant par exemple des ballets dont on ignore souvent l’existence pour des premières françaises, comme cette année le Ballet de Maribor (Slovénie). Il est difficile de se repérer dans une programmation touffue sans ligne de force. La très estimable démarche de proposer un peu de tout à chacun, en voulant faire plaisir à tout le monde, n’aide guère à la lisibilité de la manifestation. Le public très diversifié (de la bourgeoisie locale qui se pâme au Théâtre du Casino aux touristes qui tombent par hasard sur les événements) est au rendez-vous mais cela suffit-il à construire une vraie culture chorégraphique ?

Non, sinon personne n’aurait daigné applaudir la niaiserie que fut samedi dernier la représentation de Si Peau d’Âne m’était conté de la compagnie baroque L’Éventail. Les onze tableaux de ce ballet chorégraphié par Marie-Geneviève Massé, pas si mal dansé, il faut le reconnaître, nous ont gavée. Ils n’avaient rien de la saveur du cake d’amour du cinéaste Jacques Demy. Ils ne s’aventuraient même pas dans une lecture du récit incestueux de Charles Perrault. Les personnages caricaturaux ne servaient qu’à la narration d’un joli conte pour jolies petites filles. Pas de quoi s’attarder donc. De la même manière, la proposition de Foofwa d’Imobilité après une semaine de répétition avec des amateurs dans les studios du chœur Oldarra, n’a laissé que peu de traces. Il faut préciser qu’après la garden party mise en scène au pied du phare de la station balnéaire, les danseurs avaient pris soin de passer l’aspirateur sur la pelouse des ébats. Quant aux danses basques qui venaient animer la fête, façon reality show, elles n’avaient guère la saveur de celles que l’on trouve dans les provinces du pays basque au moment du carnaval et des mascarades.

Foowfa d'Imobilité ©Rémi Rivière

Foowfa d’Imobilité ©Rémi Rivière

Dommage pour tous ces pas de côté peu orchestrés car le festival tient son thème, celui de la transmission, devenu un sous-texte à déchiffrer alors qu’il aurait pu faire l’objet d’une vraie communication. Pour preuve, la représentation de UTT, un solo fondateur datant de 1981, chorégraphié par Ko Murobushi pour Carlotta Ikeda et transmis à la danseuse Maï Ishiwata. Ce solo d’une force implacable, danse de la sorcière, de la femme dragon, de la fillette peu dégourdie et de la vie à la mort sous le sable, est un joyau du butô, ce mouvement contestataire japonais apparu dans les années 50 à Tokyo. Transmis juste avant son décès en septembre 2014 par Carlotta Ikeda, chorégraphié par une autre figure du butô, Ko Murobushi décédé lui aussi en juin 2015 au Mexique, UTT dans son décor sobre de lumière tient dans une onomatopée : “utt”, justement qui ne veut rien dire, sauf comme le laissait à entendre Carlotta Ikeda : “UTT est un cri, comme si on recevait un coup brutal dans le ventre.”

“ Utt ” – Cie Ariadone – Carlotta Ikeda ©StephaneBellocq

“ Utt ” – Cie Ariadone – Carlotta Ikeda ©StephaneBellocq

Transmission aussi lors de la soirée d’ouverture dans le cadre enchanteur de la plage du Vieux Port où 4 000 personnes se sont réunies pour voir (ou ne pas voir tant il y avait de monde) les jeunes du Ballet junior de Genève ou le travail de formation de Thierry Malandain avec des danseurs de son Ballet Biarritz. Robert Swinston, ancien de la compagnie de Merce Cunningham qui dirige aujourd’hui le Centre national de danse contemporaine d’Angers présente pour sa part un Event du “maître américain”. Quant aux danses basques, elles démontrent une fois de plus leur vitalité, transmises aux jeunes générations, non pour la conservation d’un patrimoine en péril mais pour l’énergie qu’elles n’ont pas fini d’engendrer. Le festival, sur le sable, aux détours d’un jardin pentu, est désormais parfaitement inscrit dans la ville. Le Temps d’aimer la danse est aussi le Temps d’aimer Biarritz.

Marie-Christine Vernay
Danse

Jusqu’au 20 septembre, www.letempsdaimer.com, Biarritz Culture, 05 59 22 20 21.

Le billet sonore de Marie-Christine Vernay, à la giga-barre de Biarritz, à écouter sur Radio Bellevue :

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