La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

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Pro Pro Pro
| 15 Nov 2020
Les mots de notre quotidien, anodins ou loufoques, parfois nous font de loin un petit clin d’œil, pour nous inviter à aller y voir de plus près. Mot à mot, une chronique pour suivre à la trace nos mots et leurs pérégrinations imaginaires.

Ce matin, n’étant pas d’humeur productive, je flâne sur Instagram et suis assaillie – je n’ai rien demandé — par un slogan. Simple, répétitif et accrocheur (bonne équipe de com’). 

Professionnalisme, productivité, proactivité

Oh !… le beau programme !

PRO, PRO, PRO !

Le PRO est mon ami. Il me fait de l’œil et aimerait bien un petit like en retour mais, que voulez-vous, ma réactivité n’est pas à la hauteur de sa proactivité.

Je referme Instagram.

Heureusement pour moi, mes défenses naturelles m’ont empêchée de retenir le nom de la boîte qui, de bon matin, s’est ainsi propulsée dans mon intimité visuelle. Ne restent que ces PRO qui clignotent dans ma cervelle telles des enseignes lumineuses.

Professionnalisme, productivité, proactivité

PRO, PRO, PRO… ça me titille les neurones…

Ni productive ni réactive, j’ai cependant un reste de professionnalisme qui me conduit à aller y voir de plus près.

Le PRO, rien à dire, est à la mode. Combattif, individualiste, il se projette en avant, et vise l’excellence. Il nous pousse, c’est bien ça, à avancer et, tant qu’à faire, nous incite même à être en avance. Sur quoi ? Sur tout. Je suis proactive. J’anticipe, je taille la route. On the road.

Eh puis, ça fait bien d’être PRO : le PRO du pneu, le PRO de l’assurance, le PRO du médical. Belle carte de visite, non ? Là où vous n’y connaissez rien, le PRO est là, faites-lui confiance.

Enfin, surtout, le PRO rachète toutes les bassesses, c’est un bon nettoyant industriel. Qu’entendait-on le plus souvent dans les procès de l’après guerre, qu’entend-on toujours après les massacres et les sales besognes ?

« Je ne faisais que mon travail. »

C’est propre, c’est technique, c’est PRO.

Le PRO, indéfectible ami, se décline ainsi à toutes les époques, en toutes circonstances, et dans toutes les langues. En anglais, c’est encore plus chic : « Nothing personal, it’s just business ».

Si on n’est pas encore tout à fait convaincu, il n’y a qu’à aller voir du côté des « professionnelles du sexe ». C’est immédiatement plus clean, non ? Ça fait propre sur soi, ça passe mieux. Ce qu’il y a sous le PRO ? Who cares ?

Mais alors, quand on n’est ni dans le médical ni dans l’assurance ni dans le pneu, et pas plus dans le sexe, qu’est-ce qu’on est ? Serait-on ANTI ?

Oui, ça semble logique, si le PRO est pour, l’ANTI est contre. L’un va de l’avant, et l’autre en arrière. Si je fais de l’ANTI jeu, on est bien d’accord, ça veut dire que je bloque tout, comme un âne qui se bute, que j’empêche le match d’aller de l’avant.

Là où ça coince, mais où ça coince, coince, coince, c’est quand on est PRO TRUMP.

Comment peut-on aller en même temps en avant et en arrière ?

Nous y voilà, c’est là toute la magie du PRO : on est PRO, suis-je bête, pour ne pas dire ANTI ! ANTI-sémite, ANTI-démocrate, que sais-je, mais pour surtout ne pas se montrer vieux jeu, ne pas paraître RÉTRO !

Ainsi, Marjorie Taylor Greene, PRO Trump et toute nouvelle élue de Georgie, adepte de QAnon, se dit-elle PRO-vie, PRO-armes, et PRO-Dieu. Pour qui sait entendre, elle est ANTI avortement, ANTI pacifiste et ANTI laïcité.

Marjorie Taylor Greene

Voici comment ce brave PRO, qui toujours, toujours, toujours, va de l’avant, projette sa lumière progressiste sur tout ce qui pourrait, de près ou de loin, avoir des relents par trop réactionnaires.

Voici aussi comment les PRO sont bien souvent des réacs qui s’ignorent, ou plutôt qui ne s’ignorent pas, des as de la com’ au contraire, avouons-le, parce que mettre dans le même panier les armes et la vie, c’est sacrément (et voilà Dieu qui oint le tout, sans qu’on ne lui ait rien demandé, à lui non plus) oui, sacrément fortiche, nom de Dieu de nom de Dieu de nom de Dieu.

Eh oui, ça fait trois fois Dieu, mais c’est comme ça que ça marche, je commence à comprendre, il faut asséner les choses trois fois, ça rentre mieux.

Jacqueline Phocas Sabbah
Mot à mot

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