La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

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Péril en la demeure des écrivains
| 11 Mar 2019

En juillet dernier, c’était plié. Après de années de tensions, affrontements (et budgets en réduction), la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, avait tranché. La Maison des écrivains et de la littérature quittait le giron du Centre national du livre, son organisme de tutelle, pour dépendre désormais de la DRAC Île-de-France. Tout, en principe, devait continuer comme avant, après discussion amiable entre gens de culture. À la MEL, on s’est réjoui.

Neuf mois plus tard, c’est la catastrophe (avec envol de pétitions et tribunes, voir plus bas). Fin mars, les salaires des permanents pourraient ne pas être versés, et d’ores et déjà, les écrivains engagés dans des projets ont été informés qu’ils seraient payés…dès que possible. Car les caisses sont presque à sec. Le ministère aurait oublié de mandater la DRAC, d’où blocage. Histoire d’une liquidation amorcée, mais pas gagnée.

À quoi sert la Mel ? Elle mène une double vie. Rencontres permanentes d’écrivains et public, partenariat avec des universités, échanges et discussions qui culminent chaque année avec les Enjeux, quatre jours denses autour d’un thème. Le tout hors promotion, et avec des écrivains généralement intéressants, parfois rares. Sur un second versant (qui communique avec le premier) un travail de fond dans les collèges ou lycées (y compris le prix littéraire des lycéens). Moins visible, mais vrai travail de passeur. Celui dont régulièrement- et avec quelle nostalgie ! – on déplore la disparition.

Des écrivains ont protesté contre le retard annoncé de leurs émoluments. Ce qui se comprend. Mais peut-être devraient-ils se poser la question de l’existence même de la Mel. Car si un courrier récent de la DRAC annonce une amputation de 50 000 euros sur les 550 000 prévus pour les projets, il y a un grand silence (y compris dans les pétitions, d’ailleurs) sur ce que l’on nomme le budget de fonctionnement qui permet de rétribuer les onze salariés, d’acquitter le loyer de l’hôtel des frères Goncourt qui héberge l’association. Qui va payer ?  Le CNL, comme avant ? Plus son problème. La DRAC île de France ? Pas son problème non plus, on dirait. Le ministère de la Culture, du genre taiseux jusqu’ici ?

Et cerise sur le gâteau, La DRAC Île-de-France, comme son nom l’indique n’entend financer que des projets régionaux. Quid du reste du territoire, là où, justement, il y a souvent disette culturelle ? Lors de l’aimable conversation estivale, le maintien des actions était acquis. Aujourd’hui, rien n’interdit à la Mel de s’atomiser entre 13 DRAC métropolitaines… Mais il est vrai que la culture, justement, ne fait pas partie des points qu’Emmanuel Macron souhaitait voir abordés lors des Grands débats.

On parle ici d’environ un million d’euros, tous budgets compris. À rapprocher du spectaculaire Pass’ culture destiné aux 18 ans, actuellement testé sur cinq départements, à hauteur… de 34 millions d’euros. Mais si l’on saborde les passeurs, faudra-t’il s’étonner que le consumérisme y trouve davantage son compte que la découverte ?

La Mel n’est pas parfaite. On y a parfois préféré le bras de fer à la négociation . Elle a ses snobismes et ses insuffisances. Au moins, à la différence de bien des structures dites culturelles assoupies, a-t’elle des ambitions, des désirs, et mène-t’elle des actions, maintient-elle des présences, multiples, peu médiatisées, mais réelles.

En milieu contraire, plombé, une respiration. Contre l’asphyxie, plusieurs pétitions se sont montées ces derniers jours, ici sur Sitaudis, chez change.org. Deux tribunes ont été publiées versant universitaire sur Mediapart et côté écrivains et essayistes dans Le Monde

Dominique Conil

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