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Quand le porno audio met sa claque à Musso
| 01 Août 2018

Lisse, verte, efficace, la une du « Spécial sexe 2018 », des Inrocks.

Tous les professionnels des médias vous le diront : le cul, l’été, y’a que ça de vrai pour booster une audience. Trash ou pudique, à chacun sa formule. Le 1 propose ainsi un recueil de nouvelles intitulé 11 Histoires de séduction. Sérieux, Slate esquisse les portraits de personnalités qui ont contribué à libérer la sexualité occidentale. Les Inrockuptibles, eux, y vont franco (comme chaque année) avec leur Spécial Sexe 2018 et une une sans autre accroche qu’une main posée sur un entre-jambes féminin – what else ? me direz-vous…

Auditeur « voyeur »

Bien moins attendu, le franc succès de la série de fiction audio intitulée L’Appli Rose. Réalisés par la performeuse et auteure Olympe de G., qu’on avait déjà croisée en février pour le lancement de sa Chambre 206, ces dix épisodes s’inscrivent à nouveau dans l’intimité sensuelle de l’audio. Le pitch : des utilisateurs de l’appli Rose, qui permet des rencontres non plus dans la logique du tout visuel mais par la voix, partagent des conversations autour du sexe. En tant qu’auditeur, on est d’autant plus « voyeur » que les discussions partagent rapidement une notion d’intime bien plus forte que le mélange des corps visible dans la pornographie filmée.

Fantasmes virils et sexe en solo

La réalisation est, comme pour Chambre 206, particulièrement soignée. Mais c’est aussi l’écriture d’Olympe de G., avec l’auteure et comédienne Alexandra Cismondi, qui ancre L’Appli Rose dans un univers aux antipodes du porno traditionnel. Ici, il y a de la place pour tout le monde et pour toutes les sexualités : une camionneuse féminine aux fantasmes virils matche avec un Breton aux envies bisexuelles ; un garçon gay coincé dans un train se laisse séduire par la voix d’un trans ; un homme non-voyant bouleverse par ses mots une femme qui a pris l’habitude de ne pratiquer le sexe qu’en solo…

Balafrés de hashtags

Les épisodes de L’Appli Rose parlent potentiellement à chacun parce qu’ils ne sont pas balafrés des hashtags, ce « mode fétichiste d’interpellation » des sites porn, selon le propos d’Alain Giami, chercheur en sciences sociales à l’Inserm interrogé sur France Culture. Là où le porno classique « cherche à attirer par des éléments précis » et une « atomisation des corps », les récits audio comme L’Appli Rose créent du lien entre humains. Et c’est ici l’histoire de ces rencontres autant que le sujet lui-même – le sexe – qui nous tiennent captifs, quand sur les sites porno « il n’y a pas de récit à faire ».

Le public ne s’y trompe pas : L’Appli Rose, produit par Audible (Amazon), dans le cadre de sa collection érotique Libido lancée en février 2018, était numéro 1 des ventes en France le 31 juillet 2018, et ce depuis plus de dix jours – distançant les poids lourds Guillaume Musso et Yuval Noah Harari. Il y a de l’avenir dans le porn audio !

Stéphanie Estournet
Audio / Podcasts

L’Appli Rose est disponible sur la plateforme Audible (Amazon) dans le cadre de l’abonnement à 9,95 €/mois / La série complète à la carte : 17,95 € / Épisode à l’unité : 2,95 €.

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