La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

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| 07 Avr 2019

Signes précurseurs de la fin du monde : chaque semaine, l’Apocalypse en cinquante leçons et chansons. Ou peut-être moins si elle survenait plus tôt que prévu.

Au printemps 2017, Stephen Hawking déclarait à la BBC que les humains, s’ils voulaient survivre, devaient quitter la Terre d’ici 100 ans afin de coloniser une autre planète. En cause : une éventuelle guerre nucléaire, le changement climatique, une épidémie virale et/ou les progrès incontrôlables de l’intelligence artificielle.

Un an plus tard, le célèbre physicien quittait lui-même la Terre, pas pour la planète Zorglub mais pour une tombe à l’abbaye de Westminster, aux côtés de celles de Newton et de Darwin. Ses cendres reposent désormais sous une pierre engravée de la formule T= hc³/ 8πGMk. C’est l’équation dite de Bekenstein-Hawking qui décrit l’entropie des trous noirs, en d’autres termes (très simplifiés) la quantité d’information qu’ils renferment. Et si cette inscription, choisie par le savant lui-même, était un ultime message ? Et si ce message renvoyait au trou noir qu’est la tombe et à une information que détiendrait encore le défunt Hawking ? Et si cette information post-mortem concernait notre départ vers une autre planète ? Et si il y avait à l’abbaye de Westminster rien moins que la clé de notre survie ?

La conjecture est un peu folle mais l’enjeu si énorme qu’un groupe de physiciens a essayé d’en avoir le cœur net. Non en procédant à une violation de sépulture mais en tenant d’établir une communication avec les mânes du génie. L’expérience a eu lieu à l’abbaye durant la nuit du 13 au 14 mars dernier. Ne le cachons pas : l’affaire était un peu potache, comme Hawking l’était d’ailleurs lui-même, et aucun des scientifiques présents ne croyait même vaguement à la possibilité d’une communication avec les esprits. Il s’agissait d’abord de célébrer l’anniversaire de Hawking, né un 14 mars, via une de ces cérémonies loufoques qu’affectionnent les anciens d’Oxford.

Or cette séance de spiritisme a débouché sur un résultat que nul n’avait sérieusement envisagé : Hawking, ou ce qu’il en reste, a bel et bien délivré un message. Et ce message a été … un énorme pet. Sa provenance était clairement souterraine, aux dires des participants. Ceux-ci ont d’abord été ahuris, puis ils ont éclaté de rire. Enfin, ils ont réfléchi, comme le fait tout bon scientifique. Il leur est ainsi revenu que quelques mois avant la mort de Hawking, une équipe d’astronomes avait découvert pas moins de sept exoplanètes de la taille de la Terre orbitant autour d’une étoile naine nommée Trappist-1. Puis ils se sont souvenu que l’un des découvreurs, Amaury Triaud, avait fait cette déclaration : « Nous avons fait un pas crucial vers la découverte d’une éventuelle vie extraterrestre. Si la vie a réussi à se développer là-bas et à libérer des gaz semblables à ceux que nous avons sur Terre, nous le saurons bientôt. »

De fil en aiguille, ils se sont rappelé un épisode cocasse de l’exploration spatiale : à l’automne 2003, la sonde européenne Mars Express avait été envoyée vers la planète rouge avec à son bord un petit module automatique, baptisé Beagle 2, qui devait fouiller la surface de Mars à la recherche d’éventuelles traces de vie. Le concepteur de cet engin, le Britannique Colin Pillinger, était si confiant dans la sensibilité des appareils qu’il avait déclaré à la presse : « Si un Martien pète, Beagle 2 détectera le méthane émis. » Hélas, ce module n’a jamais plus donné de ses nouvelles depuis son arrivée sur Mars.

À croire en tout cas que le pet est le langage commun du cosmos. Le pet est en tout cas le signe d’un métabolisme actif. Je digère donc je vis. Je vis donc je pète. Je pète donc je suis. C’est sans doute une loi d’airain de l’Univers. Peu probable donc qu’il en aille autrement sur Mars ou sur toute autre planète propice à la vie que nous voudrions coloniser. Tel était donc, en sont venu à penser les scientifiques réunis autour de la tombe de Hawking, le message transmis depuis les limbes par leur illustre confrère.

Le pet, avenir de l’humanité ? Dit comme cela, la chose peut sembler triviale. Mais réfléchissons un peu. Imaginons que le module Beagle 2 soit encore en état de marche. Supposons également que le Martien y mette un peu du sien, d’abord en existant, puis en ayant un anus dont il sache se servir. Soudain un Martien qui se promène par là lâche un léger pet : l’électronique de Beagle 2 s’en rend compte immédiatement. Ce n’est pas là une mince performance, sauf à imaginer que le Martien émet des pets si phénoménaux que même une éolienne les détecterait. Un Martien pète, la Terre l’apprend. C’est un choc pour l’humanité : il existe donc une forme de vie extraterrestre qui pète, c’est d’ailleurs comme ça qu’on l’a repérée. Un extraterrestre aussi sympathique, on a envie d’aller lui en serrer cinq immédiatement. Hélas, les navettes spatiales de chez nous ne desservent pas encore la planète Mars. C’est bien le problème avec la science : elle dévoile des horizons fascinants, mais les laisse inaccessibles. Il n’y aurait donc plus qu’à espérer que les Martiens viennent en soucoupe volante nous péter sous le nez.

Examinons toutefois cette autre hypothèse : le Martien existe mais il n’a pas de trou du cul. Beagle 2 n’a par conséquent aucune chance de le flairer. C’est idiot : deux civilisations allaient entrer en contact, s’échanger des sommes infinies de connaissances, et voilà qu’elles se loupent. Mais, dans le fond, un Martien infoutu de péter aurait-il eu grand-chose à nous apprendre ?

Dernier cas de figure : le Martien existe, mais il pète autre chose que du méthane. Colin Pillinger y a-t-il seulement songé ? Cette hypothèse est encore plus dramatique que la précédente. Car ce Martien-là, aussi indétectable que celui qui n’a pas de trou du cul, est un animal dont on aurait vraiment aimé faire la connaissance.
– Que pètes-tu donc, Martien ?, aurions-nous demandé.
– Du fréon et un peu de protoxyde d’azote, aurait-il peut-être répondu.

C’eût été le début d’une belle histoire.

Une belle histoire que Michel Fugain avait pressentie, sinon sentie (pardon), dans une fameuse chanson :

C’est un beau roman, c’est une belle histoire
C’est une romance d’aujourd’hui
Il rentrait chez lui, là-haut vers le brouillard
Elle descendait dans le midi, le midi
Ils se sont quittés au bord du matin
Sur l’autoroute des vacances
C’était fini le jour de chance
Ils reprirent alors chacun leur chemin
Saluèrent la providence en se faisant un signe de la main

Édouard Launet
Signes précurseurs de la fin du monde

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