C’était il y a quatre ans déjà, le mondial venait de se terminer dans un pays qui n’avait pas encore entamé son “opération spéciale“ en Ukraine. Et la covid n’était pas encore sortie des ailes de chauve-souris ou des écailles de pangolins.
Il faisait beau ce soir d’été sur les hauteurs du port de Naxos.
Tiens, un concert de guitare classique programmé dans la cour de ce magnifique palais! Et il reste des places. Pourquoi ne pas se laisser tenter? D’autant qu’avant l’ouverture de la salle, il est possible de boire un verre sur la grande terrasse qui domine le port. Dans un coin, le musicien y répète les œuvres au programme sous le regard attentif d’un garçon qui s’apprête, peut-être, à assister à son premier concert classique. Qui sait?
Approchons-nous sans bruit. L’enfant semble sur le point de poser une question. Sûrement naïve la question, sûrement désarmante comme le sont les questions enfantines, mais souvent si charmantes!
– Monsieur, par hasard sauriez-vous jouer à la guitare la chaconne en ré mineur BWV 1004 de Jean-Sébastien Bach?
– ? Euh, non, elle ne fait pas partie de mon répertoire, répond l’instrumentiste, légèrement interloqué.
– Alors peut-être le prélude en do majeur BWV 846?
– Pas non plus.
– Vous devriez essayer. Figurez-vous que je les joue moi-même au piano.
– Ah, très bien…
– À propos, connaissez-vous Charles-Valentin Alkan?
– Non, je n’ai pas cet honneur. Qui est-ce?
– Un pianiste et compositeur français…
– … mort écrasé sous sa bibliothèque, m’empressé-je d’ajouter pour faire l’intéressant… et l’étalage de mes connaissances.
– On raconte souvent cet épisode, mais savez-vous, monsieur, qu’il est très controversé, rétorque le garçon en se tournant vers moi. Ainsi, vous connaissez Alkan? Vous savez que c’est tout à fait curieux. Vous faites donc partie des rares Français qui en ont entendu parler. J’étudie actuellement sa grande sonate dite “des Quatre Âges de la Vie”.
Devinant ma surprise, un adulte qui avait rejoint notre groupe et qui pouvait bien être le père de l’intéressant pianiste en herbe ajouta sur un ton où l’on sentait un peu de lassitude:
– Il faut s’y faire, c’est un peu fatigant, mais il est toujours comme ça!
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