“2017, Année terrible” : chaque semaine, une petite phrase de la campagne des présidentielles passe sous l’hugoscope. Car en France, lorsqu’il n’y a plus rien, il reste Victor Hugo.
Au Panthéon, Voltaire se couche tard, ou se lève tôt, on ne sait. Toujours est-il que, la nuit dernière, c’est à quatre heures du matin qu’il s’en est allé frapper à la porte du caveau XXIV. Victor Hugo, en chemise, a ouvert.
Hugo : Le grand Voltaire ! Quelle heureuse surprise ! Est-ce une insomnie qui vous amène ?
Voltaire : Non, une érection. Je pensai à ma nièce et à la fameuse lettre que je lui ai écrite un jour, du temps où je bandais ferme encore : “Je voudrais être le seul qui eût le bonheur de vous foutre, et je voudrais à présent n’avoir jamais eu que vos faveurs, et n’avoir déchargé qu’avec vous. Je bande en vous écrivant, et je baise mille fois vos beaux tétons et vos belles fesses.” (lettre du 3 septembre 1753 à Marie-Louise Denis)
Hugo : Si je me figure votre nièce à l’aune de cette missive, je vois une femme qui a de quoi réveiller un mort.
Voltaire : À qui le dites-vous !
Hugo : Voulez-vous que nous parlions priapisme ? J’en connais un rayon, et l’heure me semble favorable.
Voltaire : Non, je souhaitais vous parler de nièce, mais pas de la mienne. Celle de Marine Le Pen. Cette Marion Maréchal-Le Pen a récemment déclaré que Les Républicains, les candidats de droite s’entend, organisaient un “Concours Lépine des mesures sécuritaires, et c’est à qui sera le plus lepéno des lepénistes “. Ce n’est pas l’idée que je me faisais de la République. Vous non plus j’imagine ?
Hugo : Il y a dans cette phrase de belles allitérations, ainsi qu’un ciel lourd d’orages je vous l’accorde, mais soyez-en assuré : les soupirs, les baisers, ne s’inquiètent pas si quelque orage couve, et si cette gorgone, la foudre, au loin, là-bas, à l’horizon bougonne.
Voltaire : Tout de même, cette course à l’échalote du conservatisme le plus réactionnaire, le plus dangereux, cela ne vous émeut-il pas ?
Hugo : Si, bien sûr. Mais je me demande si l’image du Concours Lépine est la plus appropriée en la circonstance : on y a tout de même primé le moulin à légume, le jeu du Cochon qui rit, le stylo à bille, le moteur deux temps et l’hélice à pas variable. C’est un lieu de progrès, pas de ténèbres.
Voltaire : Peu importe. Je crains que le second tour des présidentielles entre la droite et l’extrême-droite ne s’annonce d’ores et déjà comme un festival de peur et de repli, un combat sans merci dans la fange, un concours de la honte, une orgie de bassesses, un ….
Hugo (le coupant) : Eh bien l’époque n’aura que ce qu’elle mérite. Pourquoi voulez-vous que les gens soient généreux et confiants quand au fond d’eux-mêmes ils n’ont plus aucun espoir de progrès ?
Voltaire : Alors il faut les réveiller !
Hugo : Sachant ce qui, vous, vous réveille, je ne vois guère pour cela qu’une large distribution d’images pornographiques.
Voltaire : Soyez sérieux Hugo, l’heure est grave. Maintenant, il nous faut des armes, comme disait Blanqui.
Hugo : Quoi, vous, Voltaire ? L’homme qui a vaincu la violence par le sourire, le despotisme par le sarcasme, l’infaillibilité par l’ironie, l’opiniâtreté par la persévérance, l’ignorance par la vérité, vous voulez vraiment la guerre civile ?
Voltaire : Je dis seulement qu’il faut réarmer les discours. Vous l’avez dit vous-même :
Malheur à qui prend ses sandales
Quand les haines et les scandales
Tourmentent le peuple agité !
Honte au penseur qui se mutile
Et s’en va, chanteur inutile,
Par la porte de la Cité !
Hugo : Bien, alors préparons un texte.
Voltaire : À vous l’honneur.
Hugo (sans même réfléchir) : Oui, on se réveillera ! Oui, on sortira de cette torpeur qui, pour un tel peuple, est la honte ; et quand la France sera réveillée, quand elle ouvrira les yeux, quand elle distinguera, quand elle verra ce qu’elle a devant elle et à côté d’elle, elle reculera, cette France, avec un frémissement terrible, devant ce monstrueux forfait qui a osé l’épouser dans les ténèbres et dont elle a partagé le lit. Alors l’heure suprême sonnera.
Voltaire : Cessez de parler de lit, Hugo, voilà que ça me reprend.
Édouard Launet
2017, Année terrible
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