En me servant un coca glacé, j’ai découvert une petite fourmi qui flottait dans le verre. Deux options s’offraient à moi : la gastronomique, après tout, c’est des protéines, et hop j’avale ; ou la franciscaine : lui tendre un crayon pour l’aider à sortir. La deuxième option a pris le dessus et j’ai déposé le petit animal ivre sur le rebord de la fenêtre pour qu’il sèche au soleil, même s’il devait rester tout poisseux.
Ce qui me faisait entrer dans une situation conflictuelle avec Paloma, qui était partisane d’arroser à la bombe insecticide tous les insectes, d’écrabouiller les moustiques au milieu de la nuit et de hurler à la vue d’une souris.
J’ai lancé un regard aimable à la petite fourmi, qui était complètement bourrée au coca et j’ai bu une longue gorgée que j’ai savourée. C’était la première de la matinée et cela ne serait pas la dernière. Je ne buvais pas de café, je ne consommais pas d’alcool, je ne touchais ni à la marihuana ni à la coke, puisque je ne buvais pas, et à l’aspirine ou à l’Alka-Seltzer non plus. Boire des cocas et fumer même sous l’eau étaient les seuls vices importants que je m’autorisais. La petite fourmi toute poisseuse a levé une antenne en signe de remerciement et s’est mise en route clopin-clopant pour s’éloigner de la zone dangereuse. Le soleil brillait à travers les vitres colorées de la cuisine, un soleil merveilleux, clair, absolument franciscain.
Paco Ignacio Taibo II
Traduit de l’espagnol (Mexique) par René Solis
© délibéré 2016
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