BEAUX LIVRES
LE CHOIX DE LA RÉDACTION
LA MERDE DANS L’ART
Beaucoup d’artistes ont fait de la merde au sens figuré – même des artistes non figuratifs – mais peu en ont vraiment fait le sujet principal de leur œuvre. C’est donc un grand vide que viennent de combler les éditions Schatten en publiant ce qui sera sans doute pour longtemps le l’ouvrage de référence en ce domaine.
Aucun des artistes ayant choisi ce sujet n’a été oublié. On retrouve bien sûr les boîtes “Merda d’artista“ (Merde d’artiste) de l’italien Piero Manzoni. On se souvient que chacune de ces boîtes était censée contenir 30 grammes d’excréments, leur prix étant fixé à celui de 30 grammes d’or au cours du jour. L’artiste en a vendu très peu, mais après sa mort la côte de sa merde a monté, une boîte ayant même atteint aux enchères le montant (frais inclus) de 269000 euros ! Le fait que certaines boîtes se soient mises à fuir a sans doute stoppé cette course en avant, même si ces fuites ont permis d’avoir enfin la certitude que leur contenu correspondait bien au titre annoncé.
Un chapitre est consacré à “Cloaca“, la célèbre installation de Wim Delvoye, qui représente un tube digestif humain géant et fonctionnel. On peut d’ailleurs parler d’un véritable “tube“, puisque, de Vienne à New York, de Zurich à Toronto, la machine a fait un véritable tour du Monde, remportant un grand succès, ses effluves n’ayant pas empêché le public d’affluer. Un exploit qui a tout de même coûté 200 000 dollars pour produire ce que chacun·e peut faire chez soi en ingérant un vulgaire* cassoulet.
Son prédécesseur Jacques de Vaucanson (1709-1782) créateur du célèbre Canard digérateur un automate réalisé en 1744, capable de cancaner, simuler la nage et surtout ce qui intéresse l’auteur manger, digérer et produire de la fiente a lui aussi droit à un long chapitre. Certains ont contesté cette capacité, allant jusqu’à parler de mystification ! L’auteur ironise sur ces critiques de peu de foi toujours prêts à salir les artistes qui n’ont pas hésité à mettre les mains dans la merde !
On avait oublié que beaucoup de grands artistes avaient fait des merdes, même si ce n’est pas ces productions que l’histoire a retenu d’eux. Ils figurent tous ici depuis les sculpteurs anonymes des chapiteaux romans, les enlumineurs du Moyen-Âge, jusqu’aux peintres et graveurs célèbres ou moins connus : Rembrandt, Jacques Callot, Pieter Jansz Quast et bien d’autres. Pour beaucoup, ce sera une découverte !
Il évoque aussi – un peu trop brièvement à notre goût – l’Imigongo, art décoratif traditionnel du Rwanda, constitué de panneaux ornant les maisons, peints avec de la bouse de veau comme matériau de base.
La part un peu légère et parfois même un peu désobligeante de certaine imagerie populaire – notamment des figurines qui ne respectent pas les grands de ce monde, comme ces représentations de la reine Élizabeth en action qui frisent avec le crime de leste majesté – n’a pas été oubliée.
Un autre chapitre richement illustré est consacré aux graffitis souvent plein d’imagination et de fantaisie que peuvent apprécier celles et ceux qui – ne pouvant se retenir – ont l’occasion de fréquenter certains lieux d’aisance laissés dans leur jus.
La dernière et importante partie du livre est consacrée aux caricatures, aux dessins humoristiques et à la littérature jeunesse. Quelques images de l’album De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête (de Wolf Erlbruch. NDLR) figurent en bonne place et closent cet ouvrage qui – ne tournons pas autour du pot ! – sera sans doute pour longtemps comme nous l’avons déjà dit en ouverture, LE monument en bronze coulé à la gloire de la merde dans tous ses états !
* Comment un cassoulet pourrait-il être vulgaire? (La rédaction qui ne souhaite pas avoir de problèmes avec ses lectrices du Sud-Ouest, ni devoir répondre à un abondant courrier !)
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