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Est-ce dû à l’actualité particulièrement chargée de ces deux derniers mois – élections européennes, tension entre l’Iran et les USA, démission de Theresa May et bien sûr, last but not least, la coupe du monde de football féminin –, mais les médias ont peu parlé du grand concours d’architecture lancé par Donald Trump, pour la réalisation du mur entre les États-Unis et le Mexique. Comme il fallait s’y attendre (ou contrairement, chacun jugera d’après ses convictions), faisant fi du caractère moralement peu défendable du projet, toutes les grandes agences se sont lancées dans l’aventure (nous allions dire engouffrées dans la brèche !). Une fois de plus, nous avons consulté le grand architecte Jérémie Decker qui, malgré ses activités multiples, a accepté de suivre pour nous ce dossier sulfureux. Ses relations dans le milieu lui ont permis d’avoir accès aux réflexions – et aux esquisses déjà très avancées – des principaux concurrents. En avant-première, nous vous dévoilons les idées les plus révolutionnaires. C’est certainement une de celles-ci qui devrait être retenue par le jury d’experts qui doit se réunir à Washington le 22 juillet, sous la houlette du président.
La plus spectaculaire est sans conteste, celle proposée par l’agence américaine More is More : Il s’agirait d’un mur – le plus haut du monde – culminant à 1000 m, baptisé « Sky Wall », dont le sommet accueillerait une rivière lumineuse – et électrifiée, n’oublions pas la finalité de l’ouvrage – de 10 m de large et visible depuis la Lune. Cette idée, qui rabaisserait la muraille de Chine au niveau d’une modeste clôture, séduirait beaucoup Donald Trump. Elle a néanmoins contre elle son coût très élevé et un impact catastrophique sur l’environnement.
Ce qui n’est pas le cas du projet des allemands de Grüner Beton qui, s’il était choisi, permettrait au président climato-sceptique de proclamer, à un an de sa probable réélection, qu’il n’est pas totalement insensible aux problèmes écologiques. L’idée – toute simple celle-ci et bien séduisante à tous égards – est de réaliser un mur d’une hauteur raisonnable – jamais plus de 30 m à son plus haut – entièrement végétalisé. Les plantes et arbres qui le recouvriraient seraient naturellement choisis parmi les plus vénéneux et inextricables qui soient. D’après les concepteurs qui l’ont contacté, le président Bolsonaro – si décrié – aurait généreusement proposé d’envoyer des boutures de plantes particulièrement agressives confectionnées en marge de la déforestation en cours en Amazonie. Ce projet – le plus vert – devrait logiquement séduire tous les défenseurs de la nature.
Plus « ludique » est la proposition de l’architecte français Jean Naymard-Destourd, dont on connaît le goût pour les références littéraires. Son idée est une astucieuse variation de l’œuvre de Villiers de l’Isle-Adam « La torture par l’espérance ». De très nombreuses ouvertures, de tailles variables, pratiquées tout au long d’un mur d’une quinzaine de mètres de hauteur, s’ouvriraient et se refermeraient, pendant un temps très court – n’excédant jamais les deux minutes – d’une manière totalement aléatoire. Un temps théoriquement suffisant pour traverser à celui qui aurait la chance de se trouver au bon endroit au bon moment. Même si ce trop court délai ne permet pas le franchissement simultané de plusieurs personnes et risque d’occasionner la séparation de membres d’une même famille, il faut reconnaître que ce projet est de loin le plus « humanitaire », dans la mesure où il n’exclut pas totalement la possibilité d’un passage. Un autre avantage non négligeable est qu’en courant le long du mur – dans l’espoir qu’une porte s’ouvre – les « candidats » se maintiendraient en bonne condition physique !
Jugé trop dangereux, le projet de « Running Wall » de l’agence Townic !, est d’une tout autre nature. Plus souple que les précédents, dans la mesure où aucun mur ne se dresse en permanence entre les deux États, il présente d’autres risques. Les accidents de fonctionnement pourraient être fréquents. Expliquons-en le principe. Quatre voies ferrées seraient installées sur toute la longueur de la frontière. Un grand nombre de rames de trains à grande vitesse, dont les « wagons » seraient constitués d’éléments de murs de 5 m de haut sur 40 de long, se déplaceraient en permanence – lancés à plus de 300 km/h sur tout le parcours, empêchant toute idée de traversée sécurisée. C’est bien là que le bât blesse, car il n’est pas certain que chacun fasse preuve de la prudence souhaitée. D’autant que la fréquence et la densité de passages des rames pouvant être modifiées en fonction de la présence signalée de migrants potentiels dans tel ou tel secteur, il pourrait y avoir – passant en un même point – quatre « murs mobiles » lancés à pleine allure dans des sens opposés !
D’autres projets plus classiques et moins ambitieux ne méritent pas qu’on s’y attarde et n’ont de toutes façons aucune chance d’être retenus par le jury, lors du vote de la semaine prochaine. Nous y reviendrons, bien sûr, dans nos prochaines éditions.
Germaine Palarge
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