“Le passager d’un ‘cigare volant’ qui a donné l’accolade à un paysan corrézien n’avait rien d’anormal.” (Nord-Éclair)
En 1954 s’est abattue sur la planète une véritable pluie d’ovnis. En France, plusieurs centaines de témoignages furent recueillis par la presse et la gendarmerie, en particulier durant l’automne. Si bien que les soucoupes et cigares volants se pointèrent presque quotidiennement dans les journaux et même dans le débat politique. Début octobre, un député interpellait le secrétaire d’État à l’Air (cette belle fonction existait à l’époque) pour lui demander si ses services avaient ouvert une enquête sur le phénomène “ comme on l’a fait aux États-Unis et en U.R.S.S. depuis de longues années”. La France déjà en retard ! Une autre député exigeait du secrétaire d’État aux Forces Armées que ces cigares et soucoupes soient être pris en chasse “pour être mieux observés, afin que le public sache exactement s’il s’agit d’autosuggestion collective à dissiper, ou s’il y a lieu de tenir compte de ces phénomènes, au point de vue sécurité et de la défense nationale”.
Relire les journaux de ce fameux automne 1954 laisse pantois. Titre aperçu dans Le Monde du 29 octobre : “À Florence, des ‘disques volants’ interrompent une partie de football.” Le correspondant local du quotidien relatait que “depuis une semaine on voit un peu partout de ces engins mystérieux aux couleurs scintillantes de jour et de nuit, dans les nuées ou au ras du sol. Ils semblent se complaire particulièrement sur le centre de la péninsule. Les témoignages de gens de bonne foi qui les ont aperçus – marins qui n’ont pas la berlue, professeurs qui doutent de la pluralité des mondes habités, bourgeois et prolétaires aux nerfs solides – se chiffrent par centaines et sont impressionnants par leur concordance et leur précision.” Ainsi un match de foot qui se déroulait au stade de Florence devant quinze mille spectateurs dut-il être interrompu alors que la foule était survolée par d’étranges objets. Ce qui se passait sur le terrain n’avait plus guère d’importance.
La Croix, plus rompue aux apparitions divines qu’à celles des extraterrestres, allait jusqu’à annoncer le 2 novembre : “Un technicien américain révèle : ‘J’ai participé à la capture d’une soucoupe. Mais le pilote s’est échappé à bord d’un ’cigare’ de sauvetage !’” Dans ce climat de folie, on finit par ne plus s’étonner de rien, et les averses d’ovnis furent traités comme une rubrique météo : “Le cigare volant du jour” titrait le 5 novembre le quotidien Dernières Nouvelles du Haut-Rhin pour signaler une énième observation d’objets lumineux dans le ciel.
Le pompon revient toutefois à Nord-Éclair qui, dès le 16 septembre, annonçait en titre : “Le passager d’un ’cigare volant’ qui a donné l’accolade à un paysan corrézien n’avait rien d’anormal.” Que l’extraterrestre qui embrassa Antoine Mazaud, paysan de Bugeat en Corrèze, ne fut pas anormal était en lui-même anormal (le Martien ne se doit-il pas d’avoir une quinzaine de doigts à chaque main et une tête ovoïde ?) et valait bien qu’on le signalât. “Il y a dans les déclarations de M. Mazaud un indiscutable accent de sincérité, écrivait Nord-Éclair. Il n’a pas, tant s’en faut, la réputation d’un farceur ou d’un illuminé, et les enquêteurs n’ont pas relevé la moindre faille ou la moindre contradiction dans ses déclarations. L’homme qu’il rencontra sur un plateau désert, le 10 septembre, vers 20h30, n’avait rien d’anormal dans son accoutrement ni dans son aspect, si ce n’est la forme assez particulière du casque qu’il portait sur la tête. Quand il se trouva face à face avec le paysan corrézien, il fit plusieurs inclinaisons de tête pour le saluer, lui tendit la main, puis lui donna l’accolade.”
Il était donc prouvé dès 1954 que le seul vrai extraterrestre, c’est l’homme lui-même. Qu’il usât de “cigares volants” ajoutait à son charme singulier. Précisons que tout ceci se passait bien avant l’avènement des drones et des “clowns maléfiques”, ces émerveillements contemporains.
Édouard Launet
Sciences du fait divers
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