CINÉMA
Arcanes
Rescapé d’un burn out et de l’alcoolisme, un « homme sans qualité », engagé pour retranscrire des écoutes téléphoniques, se retrouve pris au piège d’une sombre et sanglante affaire d’espionnage mêlant otages et élections… On ne peut que se réjouir de voir un thriller politique français, inspiré par les « cauchemars réalistes » hitchcockiens comme par les bad trips paranos des seventies, et peut-être aussi par la surprenante série Canal Le Bureau des légendes. D’autant que le titre ici tient lieu de beau programme esthétique : photographie enténébrée, travail du cadre ou du son à la fois audacieux et rigoureux, grands interprètes tout en intensité sobre. Mais cette Mécanique de l’ombre reste aussi la limite du scénario, tant jamais l’anti-héros, prisonnier des rouages du pouvoir, ne semble jamais vraiment se réveiller ni se révéler à l’épreuve de ce voyage au bout de la nuit. Jusqu’à un twist final mémorable, où se dévoile cette vérité qui nous aveugle : nous-mêmes citoyens sommes ces pions d’un échec et mat dont joueurs et règles nous échappent. TG
La Mécanique de l’ombre, un thriller français de Thomas Kruithof, avec François Cluzet, Denis Podalydès, Sami Bouajila…
EXPO
Design, de Jourdan à Charpin
Parce que c’est la galerie Granville, lieu singulier installé entre Cotentin et Montparnasse, en toute liberté entre arts plastiques et design. Parce que c’est Éric Jourdan, le designer qui sait depuis les années 80 concevoir des meubles traversants, des mini-architectures domestiques simples, et modernistes. Il faut voir sa nouvelle exposition « Coda », des pièces qui mettent si bien en tension courbes et trait raffiné, qui hybrident bois et marbre. On testera bientôt ses canapés chez Ligne Roset/Cinna, au salon Maison & Objet. Où le designer de l’année 2017 est de la même famille plastique : Pierre Charpin. AMF
Granville Gallery, 23, rue du Départ, 75014 Paris. Exposition jusqu’au 17 mars. 06 87 31 45 34.
Salon Maison & Objet, Parc Expo Villepinte, du 20 au 24 janvier.
ARCHITECTURE
Sous les frimas, la plage
Par ces froids, il apparaît réchauffant d’aller « Tous à la plage », à la Cité de l’architecture de Paris. Cette histoire urbaine des villes balnéaires est une agréable villégiature. D’une cabine de bain à roulette aux maillots un peu burkinis, des stations chics du XIXe siècle aux plages des congés payés, de la Grande Motte à Miami, l’architecture et l’urbanisme y ont régné, de casinos en villas. Jusqu’aux excès du bétonnage et des pastiches. Faut-il rester dans le passé, la nostalgie ? Car on ne sait pas grand chose de la plage du futur. AMF
Cité de l’architecture, 1, place du Trocadéro et du 11 novembre, 75116 Paris. Jusqu’au 12 février. 01 58 51 52 00
THÉÂTRE
Botho Strauss, au fil du temps
Drôle de puzzle : tout s’emboîte, mais il est constellé de pièces blanches, d’images effacées qui empêchent la reconstitution de l’ensemble. Énigme souriante, Le Temps et la Chambre, pièce écrite par Botho Strauss en 1988 est aussi un voyage immobile qui brasse rêves, souvenirs et désirs de personnages qui n’existent que par intermittence. La mise en scène d’Alain Françon, qui réunit une chambrée de bons acteurs, va et vient entre humour, mystère et angoisse élégante. « C’est la pièce la plus étrange que je connais », dit le metteur en scène. Il a bien fait d’y entrer. RS
Le Temps et la Chambre, de Botho Strauss, mise en scène Alain Françon, Théâtre national de la Colline, 75020 Paris, jusqu’au 3 février. 01 44 62 52 52
LIVRE
Roger Planchon dans le texte
« Je rêve d’un théâtre qui n’aurait pas de mémoire, à la limite je suis d’avis de tout brûler », disait Roger Planchon, metteur en scène disparu en 2009. De fait, s’il a laissé plusieurs pièces, le directeur du TNP de Villeurbanne de 1972 à 2002, s’est toujours refusé à écrire « sur » le théâtre. Michel Bataillon, qui fut pendant trente ans son plus proche collaborateur, a pourtant « imaginé » le livre que Planchon n’a jamais écrit : un collage de textes, souvent extraits d’entretiens, qui vont de ses débuts en 1949 à sa mort en 2009. « Impossible d’accorder une importance énorme aux idées. Elles ont passé. […] Seul le poète qui tourne autour de deux ou trois images, les polissant, les transfigurant, les travestissant, possède une cohérence, car ces deux ou trois images viennent de plus loin ». RS
Roger Planchon, introduction et choix de textes par Michel Bataillon, Actes Sud-Papiers, 14 euros.
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