“L’Amérique de…” : une chronique éphémère sur des Américain.e.s qui font ou ont fait l’histoire des États-Unis. Cette semaine, l’Amérique de Mildred Loving.
Le 11 juillet 1958, au petit matin, le shérif de Central Point en Virginie et ses deux adjoints s’introduisent dans la maison de Mildred et Richard Loving et les arrêtent pour avoir enfreint la loi de l’État qui interdit le mariage entre deux personnes de races différentes. Ils sont condamnés à un an de prison, mais leur peine est commuée à condition qu’ils quittent la Virginie. En 1963, Mildred écrit à Robert Kennedy, frère du président et ministre de la Justice, qui leur conseille de faire appel à l’American Civil Liberties Union pour porter leur cas devant les tribunaux. Neuf ans plus tard, la Cour suprême des États-Unis déclare que les lois interdisant les mariages interraciaux sont contraires à la Constitution. Le 4 novembre 2016, Loving, qui raconte l’histoire de Mildred et Richard Loving, sort sur les écrans de cinéma américains après avoir été sélectionné à Cannes.
L’Amérique de Mildred Loving, c’est l’interdiction des relations interraciales depuis les Slave Codes qu’adoptent les colonies américaines dès le XVIIe siècle jusqu’aux lois Jim Crow qui instituent la ségrégation dans les années 1880. C’est le viol répété des esclaves par leurs maîtres pendant la période de l’esclavage.
L’Amérique de Mildred Loving, c’est la Cour suprême. Celle qui déclare en 1896 que la ségrégation est conforme à la Constitution et qu’on peut vivre “séparés mais égaux”. Celle qui donne raison aux Loving en 1967 au motif que les lois qui interdisent les mariages interraciaux ont pour seul objectif de “maintenir la Suprématie des Blancs”. Celle qui autorise le mariage pour toutes et tous en 2015. Celle aussi qui en 2013 invalide une partie du Voting Rights Act de 1965, qui protégeait les minorités contre toute tentative de limiter leur droit de vote.
L’Amérique de Mildred Loving, c’est la Virginie, la première colonie britannique et la première à recevoir des Africains en 1619. Dans les années 1660, elle établit la servitude à vie et transmissible de génération en génération. L’Amérique de Mildred Loving, c’est Thomas Jefferson, l’auteur de la Déclaration d’Indépendance, président des États-Unis de 1801 à 1809, et père probable des six enfants de son esclave Sally Hemings.
L’Amérique de Mildred Loving, c’est Hollywood. C’est The Birth of a Nation, le manifeste raciste de D.W. Griffith qui sort en 1915. C’est Hattie McDaniel, fille d’esclaves et première actrice noire à recevoir un Oscar pour Autant en Emporte le Vent en 1940. Elle a eu la permission spéciale d’assister à la cérémonie qui a lieu dans un hôtel réservé aux Blanc.he.s. C’est #OscarsSoWhite, le mouvement de protestation qui suit l’annonce de la liste des nommé.e.s aux Oscars de 2016.
L’Amérique de Mildred Loving, c’est son mari, qui, d’après son avocat, n’a qu’une seule chose à dire aux juges de la Cour suprême : “J’aime ma femme et il est injuste que je ne puisse pas vivre avec elle en Virginie.” Il meurt dans un accident de voiture en 1975. Mildred Loving décède le 2 mai 2008.
Hélène Quanquin
L’Amérique de…
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