Qu’ils étaient jolis ces petits hérissons! Pouvait-on rêver de compagnons si charmants? Régulièrement l’un d’eux faisait son apparition dans le jardin de M. B, retraité du Val-de-Marne (94). En prévision de leur éventuelle – et espérée – visite, le septuagénaire le laissait en friche pour que ses hôtes puissent se dissimuler sous les feuilles ou sous les branchages qu’il disposait en plusieurs endroits à leur intention. Hélas! dans nos villes, l’espérance de vie d’un Erinaceus europaeus est bien courte. La cause: ces satanées bagnoles! comme le pestait M.B. à chaque fois qu’il retrouvait dans une des rues voisines un de ses nouveaux pensionnaires aplati comme une crêpe. À chaque perte d’un de ses petits amis, qu’il enterrait tristement dans son jardin, c’était le même abattement. La même colère aussi contre ces affreux automobilistes qui en plus n’achètent plus des voitures, mais des 4×4, des SUV toujours plus gros, des véritables chars d’assaut! Tiens, c’est vrai ça! se dit-il un jour où son abattement s’était mué en colère, en désir de vengeance. Chacun son tour! s’échauffa-t-il.

Au début de l’été dernier, une idée folle germa dans son esprit.

Après quelques recherches infructueuses, il réussit à faire l’acquisition d’un char AMX 40 de la 2^ème guerre mondiale – on trouve vraiment tout sur le bon coin! – et à se le faire livrer discrètement et nuitamment pendant que ses voisins avaient baissé pavillon, si l’on peut dire, pour regagner leurs résidences secondaires de Palavas-les-flots ou autres destinations prestigieuses. Signalons que la livraison de son colis de près de 20 tonnes lui aura plus coûté que l’objet lui-même.

Il ne restait plus à l’imaginatif Valdemarnais qu’à se mettre au travail!

Dans le grand hangar situé au fond se son jardin, à l’abri des regards indiscrets, il passa plusieurs mois à customiser son char. Une fois le canon démonté, il commença à fixer des centaines de piquets de clôture en bois ronds (imprégnés en autoclave classe 4, 200cm x 60mm. NDLR) couchés sur son dos (le dos du char pas le sien), pour le transformer progressivement, nos lectrices l’auront probablement déjà compris, en un hérisson géant.

Cette fois, Picodon, Piquette, Pique-assiette, Picou, Rebrousse-pique, mais nous n’allons pas tous les nommer, vont être vengés! pensa-t-il.

Il y a dix jours, après la tombée de la nuit d’été, profitant du tintamarre causé par une teuf organisée par des jeunes dans un jardin voisin, il sortit enfin l’instrument du châtiment.

Avant que la police alertée par des passants (des automobilistes sans aucun doute…) ne réagisse, le “hérisson” avait eu le temps d’aplatir une bonne vingtaine de ces infâmes et honnis véhicules écraseurs.

Chacun son tour! se contenta-t-il de déclarer aux policiers.

Une expertise psychiatrique a été demandée par le juge à qui a été confiée l’affaire.