La vie de M. W. n’aura été qu’une longue hypocondrie.
Il était encore en culottes courtes*, que ses petits et malintentionnés camarades de classe lui prédisaient déjà, charitablement, bien sûr: “Quand on a les ongles mous, on ne dépasse pas les vingt ans!”
Durant toute son enfance, au grand dam de ses parents inquiets, il passa plus de temps chez les pédiatres que ses jeunes congénères au cinéma, en surboum ou sur les terrains de foot. On pouvait penser – espérer – que le jour où il atteindrait – et dépasserait – l’âge fatidique, ses angoisses disparaîtraient.
Que nenni!
Le reste de sa vie ne fut ensuite qu’une interminable succession d’examens de plus en plus fréquents et approfondis. Des mauvaises langues disaient en plaisantant qu’il était à lui tout seul en grande partie responsable du fameux “trou de la sécu”.
Les périodes de grande anxiété qui précédaient les radios, échographies, I.R.M., étaient suivies de courtes périodes d’euphorie, quand on lui apprenait qu’il n’avait ni un cancer du poumon, ni un début d’Alzheimer… ni le Kala-azar, au retour du seul voyage qu’il fit hors d’Europe (trop dangereux, on ne l’y reprit pas!)
Pendant plusieurs jours il fêtait alors, ou plutôt arrosait la bonne nouvelle. À chaque fois plus généreusement que la précédente.
Une générosité qui devint excessive, voire dangereuse.
M. W. vient en effet de décéder des suites d’un coma éthylique mortel deux jours après avoir appris qu’il avait toujours une prostate de jeune homme!
Il sera donc mort trop tôt pour apprendre – cette épreuve lui aura au moins été épargnée – qu’il était atteint d’une cirrhose du foie irréversible.
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