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Dessiner sur le vif la Commune de Paris
| 27 Juil 2025
Daniel Vierge. Episode de la Commune, prise d'une barricade, 1871

Daniel Vierge. Episode de la Commune, prise d’une barricade, 1871

De nombreuses photos ont été prises pendant la Commune de Paris. Elles sont toujours posées, les techniques d’alors ne permettant pas des saisies rapides des événements en cours. Les croquis faits sur le vif par les dessinateurs de l’époque – Jules Worms (1832-1924) Frédéric Lix (1830-1897) entre autres – n’en sont que plus précieux. Et bien sûr ceux de Daniel Vierge qui croquait l’histoire en train de se faire sur le motif, à ses risques et périls, comme le raconte Jules de Marthold*.

Et l’un de ces jours où, pour voir, Daniel avait risqué vingt fois de se faire tuer, surpris en flagrant délit de dessin par les fédérés au milieu desquels il s’était glissé, il est appréhendé sous inculpation d’espionnage et écroué, en attendant qu’il soit statué sur son cas.
Peut-être pensez-vous qu’il se trouble, qu’il a crainte? Que non pas! Tranquillement, il continue de dessiner, croquant ceci, esquissant cela, tout ce qu’il voit, ses gardiens, ses co-détenus, le décor.
Cependant on l’interroge. La langue française lui est peu familère encore. Son affaire prend mauvaise tournure quand cinq heures après son arrestation, Charles Yriate, inquiet de ne pas le voir revenir au Monde illustré, d’où il est parti le matin, après l’avoir cherché partout, le découvre enfin, explique tout et remmène son cher chroniqueur qu’il adore et qui le chérit, près à se mettre au feu pour lui.
La note anonyme et manuscrite nous fournissant ce renseignement s’indigne véhémentement de la barbarie des Communards, oubliant qu’en tous les pays, tout individu surpris en train de prendre des notes aux abords quelconques d’une place-forte est aussitôt conduit à qui de droit.

Daniel Vierge (1851-1904). "Femme à l'Hôtel de Ville, 2ème jour de la Commune", 1871. Crayon, aquarelle avec rehauts de gouache sur papier teinté. Paris, musée Carnavalet.

Daniel Vierge (1851-1904). « Femme à l’Hôtel de Ville, 2ème jour de la Commune », 1871. Crayon, aquarelle avec rehauts de gouache sur papier teinté. Paris, musée Carnavalet.

Il nous reste ses aquarelles, portraits de communards, femmes de l’Hôtel de Ville et « pétroleuses », estafette et démolisseur de barricades. Des croquis, aquarelles et scènes de combats gravées pour le Monde illustré dont une montrant les destructions rue de Lille où Daniel Vierge habitait pendant la Commune.

Un dessin un peu plus tardif ( probablement 1874 en préparation d’une de ses illustrations de l’Année terrible) illustrant les funérailles le 18 mars 1871 à Paris de Charles Hugo, fils de Victor**, montre la foule saluant l’écrivain sur son passage. La gravure sur bois de Félix Meaulle présente quelques changements par rapport au dessin laissant supposer que Daniel Vierge avait remanié des détails. Elle montre aussi à quel point le dessin de départ est plus vivant que sa « traduction boisée ».

Daniel Vierge (1851-1904). « L’enterrement de Charles Hugo ». Encre, gouache, rehauts de blanc de plomb, crayon graphite, sur papier. 1901-1902 d’après un croquis pris en 1871. Paris, Maison de Victor Hugo.

L'Année terrible. Les obsèques de Charles Hugo. Bois gravé par Félix Meaulle

L’Année terrible. Les obsèques de Charles Hugo. Bois gravé par Félix Meaulle

*Jules de Marthold, Daniel Vierge, sa vie, son œuvre, H.Floury, Libraire-Éditeur. Paris 1906
**Charles Hugo (1826-1871) fils de Victor Hugo, meurt le 13 mars 1871 à Bordeaux d’une apoplexie alors qu’il allait en fiacre rejoindre son père dans un restaurant. Ses obsèques ont lieu le 18 mars à Paris en pleine insurrection. Le cortège se rend de la gare d’Orléans au cimetière du Père Lachaise en présence de Victor Hugo salué sur tout le parcours par les insurgés.

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