On l’aurait presqu’oublié, mais Daniel Vierge est espagnol. Il n’a d’ailleurs jamais cessé d’illustrer les grands événements de son pays natal pour le Monde illustré. Après Victor Hugo et Michelet, il n’était donc pas étonnant qu’il mette un jour son talent au service des grands auteurs castillans. Il était mûr pour illustrer Don Quichotte, mais c’est le Pablo de Ségovie de Francisco de Quevedo qu’il choisit d’abord de mettre en images. Le célèbre hidalgo, ce serait pour plus tard!
Daniel Vierge donne vie au héros du roman picaresque de Quevedo et à toute la cohorte de fous, alcooliques, mendiants, voleurs, tricheurs, menteurs, voyous, vieilles femmes et jeunes beautés rencontrés dont il illustre avec verve les tribulations. Les personnages évoluent dans des paysages ou des villages inondés de lumière. Souvent une tache noire au pinceau – avec parfois un rehaut de gouache sur les esquisses préparatoires – sur une cape ou un détail de costume vient accentuer une partie du dessin au trait.
Il a réalisé en 1880/81 une centaine d’illustrations pour ce livre qui ne paraîtra dans son édition complète et définitive qu’en 1902, après des circonstances tragiques auxquelles nous reviendrons.
Daniel Vierge restait hanté par le désir de donner de ses compositions une version définitive, adéquate, où éclaterait l’intégrale beauté d’une illustration qui atteint au chef-d’œuvre. Cette fois, quel procédé élire? D’aucuns préconisaient la xylographie ; mais convenait-elle à souhait, alors qu’il s’agissait de travaux à la plume, l’alerte du trait, courait grand risque d’être dénaturé ou perdu par le graveur? Mieux valait recourir à l’héliogravure en taille-douce; avec elle, on était assuré d’une interprétation rigoureusement fidèle, donnant à l’image la valeur d’expression, la profondeur, le ragoût de l’eau-forte. Par surcroît, la latitude était offerte à l’artiste de répudier la haïssable intervention étrangère et d’apporter lui-même sur le métal les retouches, les améliorations utiles…*
Un des grands chefs-d’œuvre de l’illustration!
Il n’est guère qu’Adolf Menzel auquel on le puisse comparer […]; ils ont en commun un amour profond de la nature, de la vie, une intense volonté d’expression; grâce à eux la gravure sur bois a connu, dans deux pays, le rajeunissement d’une véritable renaissance; enfin, leur art est de part et d’autre, essentiellement national. […] L’équitable Histoire qui se rit des vanités humaines, saura confondre dans le même lustre les deux maîtres qui s’égalèrent en illustrant l’un les œuvres du grand Frédéric, l’autre l’Histoire de Don Quichotte et le Pablo de Ségovie.*
Toutes les images du livre mériteraient d’illustrer cet article. Il était plus intéressant de publier en premier celles dont nous avons pu trouver des esquisses dans une bonne définition. Une définition meilleure que celles des illustrations publiées dont nous disposons.
*Préface de Roger Marx à l’édition définitive parue chez Édouard Pelletan en 1902.












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