Chanson de gestes –oubliés, mis au rebut, injurieux, réprimés, automatiques– lexique muet qui dit nos nouvelles manies, nos censures corporelles, nos abandons, nos égarements…
À l’occasion de la finale de la coupe du monde de Rugby 2015, on ne pouvait que revenir sur quelques gestes qui nous ont soufflée ou emballée. Ils ne sont pas à la hauteur du coup de tête de Zidane ou des deux doigts flinguant les Toulousains de Zlatan Ibrahimovic avant sa déclaration d’amour à la France mais ils ont une classe certaine. Allez les gars, un petit geste déplacé ne peut nuire à votre image. Bien au contraire, c’est une façon de renforcer votre mâlitude. Il en va ainsi du coup de poing au plexus asséné par Sean O’Brien sur Pascal Papé en début de match France-Irlande. La vraie classe ! Bing, Pascal Papé était plié en deux. Geste gratuit ? Selon Le Figaro, le Français à la 29e seconde de jeu serait passé derrière le joueur du Trèfle et lui aurait caressé la fesse droite avec la main : “Impossible, explique le journaliste, de savoir si le joueur du Stade Français a accompagné sa caresse d’un mot doux dans le but de faire perdre à O’Brien la maîtrise de ses nerfs. Hasard ou coïncidence, le coup de poing intervient juste quelques secondes après ce contact entre les deux hommes.” Ils sont bien chatouilleux…
Autre affaire, les Anglais s’étaient mis en tête de parodier le haka des All Blacks. L’ancien demi de mêlée anglais Matt Dawson a tourné en ridicule la danse cérémonielle neo-zélandaise en la mêlant à la Macarena, tube désastreux des années 90 à la chorégraphie des moins raffinées. Il doit s’en mordre les doigts car cela n’a pas plu du tout aux esprits maoris qui ont répliqué en boutant le XV de la Rose hors de la compétition.
Les Anglais auraient dû se renseigner avant de toucher à ce rituel si mal compris par les Occidentaux comme le rappelle le journaliste Simon Valzer, spécialiste de la question : “Haka, le mot résonne dans la gorge comme un coup de hache sur un tronc d’arbre. Sitôt prononcé, une foule d’images se bouscule dans nos esprits occidentaux. La première est celle de quinze hommes en noir hurlant et frappant leurs cuisses et leurs poitrails de taureau sur un terrain de rugby, face à leurs adversaires. Ces hommes sont les All Blacks, et forment la sélection nationale de rugby à XV de Nouvelle-Zélande qui pratique cette danse avant chaque début de rencontre depuis plus de deux siècles. Non contents d’en être devenus les principaux vecteurs de diffusion, ils ont fait de celle-ci une icône de la culture māori dans le monde. Et pourtant, nous n’en savons rien, ou si peu… […] En langue māori, ‘haka’ veut dire ‘danser’. Un haka est une création originale, au même titre qu’une chanson ou qu’une chorégraphie. Il en existe donc une infinité. Et si en général les Occidentaux n’en retiennent que la dimension physique, la barrière de la langue les empêche de percevoir son aspect le plus fondamental : son message. […] Un haka peut raconter des mythes fondateurs, l’histoire d’une tribu, ou encore un épisode historique. Mais il est aussi une création de son temps, et peut traiter de n’importe quel sujet de la société actuelle, positif ou négatif.” On peut lire la suite de cet intéressant document illustré par des vidéos sur le site de l’INA (“Danses sans visa”). L’occasion de se préparer à la rencontre de ce samedi où l’on retrouvera les gestes puissamment élégants du trois quarts aile néo-zélandais Julian Savea qui repousse ses adversaires d’un simple revers de son bras de rameur, qui vole et sourit.
Marie-Christine Vernay
Le billet de Marie-Christine Vernay sur Radio Bellevue / MCV Kultur :
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