Série polaire au Spitzberg/Svalbard, loin des Jeux Olympiques…
Préambule : Spitzberg, une série polaire pour échapper à l’ambiance des JO
Ny-London à Peirsonhamna sur Blomstrandhalvøya dans le Kongsfjorden au Spitzberg, ou l’histoire du lamentable fiasco industriel d’un type nommé Ernest Mansfield (1862-1924), prospecteur de son son état et patron charismatique de la Northern Exploration Company, qui avait voulu en 1911 ouvrir et exploiter là-bas, dans l’Arctique, une carrière de marbre qu’il estimait faramineuse, et y avait attiré pour cela plusieurs dizaines de mineurs avec leurs familles logées sur place, avec des machines-outils, des engins à vapeur, une locomotive, des rails, des wagonnets pour transporter le minerai, une grue de déchargement, des treuils, un quai, une foultitude d’outils, le tout ex nihilo, pour effectuer leurs tâches, avant de réaliser, mais trop tard, que le marbre local était inexploitable puisqu’il se délitait rapidement en gravats une fois extrait du pergélisol où il reposait depuis des millions d’années puis exporté en des climats plus tempérés, en conséquence de quoi tous les capitaux furent perdus, remplacés par une montagne de dettes jamais soldée, avec des centaines d’investisseurs lésés, et avec Ny-London – « Nouvelle-Londres » quelle orgueilleuse appellation! – réduite à ne plus être qu’une sinistre ville fantôme, autrement dit le stigmate infamant venant illustrer, avec tous les autres éléments de ferraille industrielle abandonnés sur place, la tournure chaotique d’une folle croyance en des profits capitalistiques rapides car reposant sur des bases complètement chimériques; autant de vestiges honteux qui défigurent toujours un cadre naturel somptueux mais qui sont malgré cela considérés, je dirais même protégés, comme un authentique patrimoine historique par les autorités norvégiennes du Svalbard: un patrimoine à préserver d’éventuelles atteintes touristiques tout en le laissant disparaître par désagrégation résiduelle comme aurait pu sans doute l’apprécier John Ruskin, hormis les deux ultimes bicoques de Ny-London pouvant encore servir d’abris de fortune; mais avant d’en arriver là, ce vaste bouzin polaire va demeurer comme le témoignage évident de la déshérence, de la périssabilité et de la vanité promises à toute activité humaine.
Qu’il advienne que pourra, c’est décidé, je pars là-bas dès ce soir. Avec un exil à pareille adresse, c’est pas demain la veille qu’on viendra me chercher pour participer aux débilitantes réjouissances olympiennes; comme Henry David Thoreau avant moi, en plus sportif mais en beaucoup plus pergélisolitaire. Et je compte bien sur les ours polaires qui patrouillent là-bas pour calmer les importuns. Quant à l’autre zigue-là, avec sa hutte sur le Baïkal, c’était rien qu’un « Liten spiller »!
Les deux dernières maisons de Ny-London sont toujours debout aujourd’hui. Elles m’offriront havre de paix a-olympique, soleil de minuit, connexion wifi haut débit grâce à la fibre, chauffage au poêle avec bois échoué de première qualité, proximité d’un vinmonopolet ainsi que d’un glacier pour y tailler des cubes à fourrer dans mon bourbon, absence de voisins à qui devoir causer, livraisons Amazon Prime garanties c’est marqué sur l’annonce, et même si pour le sauna faudra repasser, il ne me reste plus qu’à emporter quelques bons bouquins et attendre septembre dans mes 12 m².
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