La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

Nos ennemies les bêtes
| 16 Juil 2019

#guide

 

Contre les bêtes de Jacques Rebotier au festival d'Avignon 2019Jacques Rebotier a écrit Contre les bêtes il y a quinze ans. Un texte drôle et en colère, interprété pour la première fois en 2004, au festival d’Avignon, par le comédien Alain Fromager. Un poème-manifeste égrenant quelques propositions pour éradiquer de la surface, et même des profondeurs du globe, les quelque 6 800 000 autres espèces qui encombrent l’horizon des hommes. Ou plutôt des « ommes », puisque l’auteur toujours en retranche le « h ». À l’époque, la disparition des espèces faisait rarement la une des journaux et l’auteur pouvait avoir le sentiment de paradoxer – le néologisme n’est pas de lui mais pourrait l’être – dans le désert. Aujourd’hui, l’écoute est différente – moins perplexe quant au contenu – mais l’humour et l’art de la glisse font toujours mouche.

Contre les bêtes a été traduit en espagnol par Julia Azaretto et fait l’objet, en 2018, d’une tournée au Mexique, dans une interprétation de la comédienne mexicaine Odille Lauría. Au festival « off » d’Avignon, c’est la version française, lue-jouée par Rebotier lui-même, qui est donnée.

En 1975, quelques mois avant sa mort, Pasolini publiait dans le Corriere della Sera, un article sur la disparition des lucioles. Une espèce bien entendu dans le collimateur de Rebotier : « Les lucioles servent à rien, les lucioles foutent rien, les lucioles sont des planquées, elles pensent rien qu’à baiser, elles pensent qu’à bouffer. Vers luisants, pareil. Ils comptent un peu trop sur l’univers-providence, je dis. Les lucioles et les vers luisants, c’est pas des gagnants. » Aucun doute : Rebotier est brillant.

René Solis
Guide

Contre les bêtes, de et par Jacques Rebotier, Espace Pasteur, Avignon, 19h20, jusqu’au 28 juillet (relâche les 8, 15 et 22 juillet).
Contre les bêtes, édition bilingue, espagnol (traduction de Julia Azaretto) / français, Le Nouvel Attila, 2019, 96 pages, 9 €.

0 commentaires

Dans la même catégorie

Kelly Rivière remonte à la source

À partir d’un secret de famille (un grand-père irlandais disparu dont personne ne veut parler), Kelly Rivière, seule en scène, offre une hilarante pièce intime solidement construite. Dans sa quête des origines, elle passe sans cesse d’une langue à l’autre, jusqu’à brouiller les repères, comme si les barrières linguistiques étaient emportées par le flux de son histoire. Une incertitude linguistique qui fait écho aux incertitudes d’un final qui laisse beaucoup plus de questions que de réponses.

Jon Fosse ou la musique du silence

Si Shakespeare utilise dans son oeuvre un vocabulaire de 20.000 mots là où Racine n’en a que 2000, Fosse, lui, tournerait plutôt autour de 200. Une décroissance qui n’est pas un appauvrissement: comme ses personnages, la langue de Fosse est en retrait, en grève du brouhaha et de l’agitation du monde.

Montévidéo dans l’impasse

Drôle de dernière semaine au festival Actoral fondé par Hubert Colas en 2001 à Marseille. Dans la salle de Montévidéo, la performance de Grand Magasin, programmée samedi 14 octobre à 21h et intitulée “Comment commencer”, pourrait bien se transformer en “Comment finir”.

L’arbre à sang: traduire à l’oreille

Sur la scène des Plateaux Sauvages, trois actrices interprètent L’Arbre à sang, de l’auteur australien Angus Cerini, dans une mise en scène de Tommy Milliot. Entretien avec Dominique Hollier, l’une des trois comédiennes, mais aussi la traductrice de la pièce.

Rêver des maisons de la culture et de la nature

Alors que le festival d’Avignon s’achève, Romaric Daurier, directeur du Phénix, Scène nationale pôle européen de création de Valenciennes, plaide pour une “exception culturelle écologique heureuse, réconciliant l’héritage des Maisons de la Culture de Malraux et de l’Éducation populaire”.