La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

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La voix de Rachel Guilloux, soprano
| 28 Avr 2019

Un chanteur ou une chanteuse lyrique ne dit pas ma voix mais la voix. D’un chanteur ou d’une chanteuse lyrique on ne dit pas que sa voix est belle, mais que la voix est belle. La voix qu’ils travaillent et laissent venir est toujours unique, d’un corps à l’autre, d’un jour à l’autre. Mais elle n’est jamais possédée. À la voix qui se prête à leurs corps, ils prêtent leurs noms. Ni critiques et techniques encore moins, ces portraits cherchent les mondes, les figures et les couleurs qu’apporte avec elle chaque voix, ils proposent les mots pour répondre à la voix.

Garance, la voix se lève, se relève, vermeil, la voix, taillée dans une fraise, de Rachel Guilloux, soprano.

Un foulard au vent flotte au cou d’une actrice évidente, comme un rêve de Ferrari, trop vite sur une corniche, pour toujours rouge vif.

Vermillon pourpre amarante,

une femme en renard demande du feu, c’est la nuit. On voit la pointe orange d’une cigarette fine, les gants en chevreau qui la tiennent.

Dans le ciel un sourire veut jouer à la marelle.

Une fille en robe grenat – c’est la fille du roi pêcheur— accueille Lancelot, Perceval. Fille de roi à chair de fleur pour recevoir les chevaliers qui sont dans le bois, perdus.

Pomme coquelicot, voix pour y mettre les dents.

C’est aussi la couleur du désir, d’un ballon rouge envolé, comme un chemin dans la montagne où les roses sont dans la neige, écarlates d’amour pour un phénix en feu de cuivre.

Puis des lèvres voltigent.

Ishtar déesse rouge fait l’amour un soir d’averse avec un arc-en-ciel.

Surprise vient la voix, rubis, la voix de Rachel Guilloux soprano.

Une ronde de femmes s’éclabousse de toutes les couleurs. La rouge avec la verte fait une valse, éclaire.

 

Puccini, « Vissi d’arte », extrait de Tosca

 

Christophe von Gluck, « O del mio dolce ardor »

 

Claudio Monteverdi, air de la « Musica »,
extrait du prologue de l’Orfeo

Rachel Guilloux développe sa carrière artistique sur deux axes : le répertoire contemporain et le répertoire classique. Elle crée ainsi de nombreuses œuvres de compositeurs d’aujourd’hui à la Cité de la musique (Paris), au Festival Ars Musica (Bruxelles), aux Rencontres de Musiques contemporaines de Lisbonne, à CalArts (Los Angeles) et au Festival Ébruitez-vous (Rennes). Dans ce domaine, elle se produit aussi bien dans le cadre d’ensembles de solistes (Ensemble Rhizome, Ensemble Ébruitez-vous, Ensemble Recherche, Soli-Tutti, Sequenza 93) qu’en solo, avec ou sans électronique. Par ailleurs, on a pu l’entendre dans différents rôles à l’opéra (La Périchole, Barberine, Gianetta, La Belle Hélène), et en 2016 et 2017, dans le rôle de Carmen aux théâtres du Mans, d’Alençon et d’Angers. Elle chante aussi régulièrement des oratorios et de la musique sacrée en région parisienne. Ainsi, en 2016, elle s’est produite dans le Requiem de Mozart et An die Freude de Beethoven sous la direction de Claude Raymond. Elle a aussi réalisé un programme d’airs d’opéra avec le Concert Impromptu et le Quatuor Parisii, en 2014. Elle affectionne particulièrement les relations texte-musique et chante très régulièrement en récital des lieder et des mélodies avec les pianistes Alexandre Léger, Bertrand Giraud et Leo Debono. D’une manière plus originale, elle se produit également avec Fanny Vicens à l’accordéon dans un programme qui va du baroque au théâtre musical contemporain.
Avec la harpiste Eloïse Labaume, elle a développé un programme de musique des XXe et XXIe siècles qui va de Ravel et Debussy à Elder-Copes. On a pu les entendre, cette année, à Colombes dans des œuvres de Georges Aperghis, Jacques Rebotier, Luciano Berio… Rachel Guilloux s’est aussi récemment produite à Paris à l’Église Saint-Merri, à Alençon en compagnie du Chœur d’Orphée, avec lequel elle a été Carmen en 2017, au Théâtre du Mans.

Sophie Rabau
Portraits de voix lyriques

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