Un chanteur ou une chanteuse lyrique ne dit pas ma voix mais la voix. D’un chanteur ou d’une chanteuse lyrique on ne dit pas que sa voix est belle, mais que la voix est belle. La voix qu’ils travaillent et laissent venir est toujours unique, d’un corps à l’autre, d’un jour à l’autre. Mais elle n’est jamais possédée. À la voix qui se prête à leurs corps, ils prêtent leurs noms. Ni critiques et techniques encore moins, ces portraits cherchent les mondes, les figures et les couleurs qu’apporte avec elle chaque voix, ils proposent les mots pour répondre à la voix.
C’est une fleur qui pleure au milieu de la nuit. Et la fleur, en pleurant, ouvre les yeux la nuit.
Un vitrail de noir ajouré, dans la voix, thésaurise le jour, dans la voix de Philippe Chevalier, ténor.
Sur un récamier doré, une femme voltige avec des cheveux blonds, une robe en lamé et des hanches modernes. Ou bien sur un brocart d’or et de vert.
Une rose s’étire, une rose s’écrie qu’elle veut toucher le ciel.
L’été plonge dans la mer, quand on nage profond poursuivi par le soleil. Le jour fait des surprises, une anémone rit.
Autour d’un aigle planant, une licorne, pommettes hautes, suit un ruisseau de menthe poivrée, serpente entre les nuages sculptés – la licorne est un léopard aux yeux de perle et d’émeraude.
Voix roi du ciel, nuit aux yeux clairs, voix soleil passe-muraille des remparts de la forteresse de la Merveilleuse Garde.
Achille, vierge encore, en habit de guerrier, colère sous la tente, deuil d’Iliade c’est la guerre, il sanglote, déchirement d’âme, pense à l’amant, voix baiser de guerrier, voix de la Merveilleuse Garde, Lancelot combat pour la Reine.
Une main effleure la joue, dessine le contour d’un visage, pèse en secret sur la peau.
Ailleurs Hercule brûle, Déjanire s’est vengée, voix tunique brûlante sur le corps ambré d’Héraclès, voix tunique de rose pour la peau d’Héraclès.
La douceur de Lancelot, dans la voix, et le rire de Gauvain, dans la voix de Philippe Chevalier, ténor ; ils cheminent, dit le conte, rencontrent des demoiselles, dans les clairières, ce sont des fées.
Dans une autre forêt, près d’un palais de marbre, les pins couleur d’amandier ont pris avec la voix l’odeur de la lumière. Il fait jour comme le soir.
Ce sont des fées éperdues de désir.
Et demain une rose ébouriffe ses pétales dans le cœur du soleil.
Beethoven, « An die ferne geliebte »
Piano : Geun-Haeng Cho
Mozart, « Tradito, schernito », cavatina, Cosi Fan tutte
Piano : Geun-Haeng Cho
Philippe Chevalier a mené ses études de chant auprès de professeurs particuliers et prend aujourd’hui des cours avec Véronique Hazan. Il a commencé la scène lyrique dans Trouble in Tahiti de Leonard Bernstein et des opérettes. Il s’est aussi intéressé à la musique a capella de la renaissance et a été ténor soliste dans le Requiem de Schumann, les Litanies de Venerabili altaris sacaramento (Mozart) et la Messe en sol de Schubert. Il chante régulièrement avec le chœur d’Opéra en Plein Air, le chœur Les Siècles dirigé par François-Xavier Roth, le chœur de l’Opéra de Toulon. Il chante aussi Don Octavio dans Don Giovanni de Mozart, Pâris dans La Belle Hélène, Orphée dans Orphée aux Enfers d’Offenbach, Fenton dans Falstaff de Verdi, Ferrando dans Cosi fan tutte de Mozart, et sous la direction d’Alexandre Myrat, Tamino de La Flûte enchantée.
En 2018, Philippe Chevalier s’est produit en récital dans des lieders et duos romantiques ; il a interprété la partie soliste du Psaume 95 de Mendelssohn et un extrait du Stabat Mater de Rossini au Temple de Saint-Germain en Laye ; il a repris le rôle de Ferrando dans Cosi fan tutte. En 2019, il chantera les chœurs de La Bohème avec le Renouveau Lyrique et sera don José dans Carmen.
Sophie Rabau
Portraits de voix lyriques
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