“2017, Année terrible” : chaque semaine, une petite phrase de la campagne des présidentielles passe sous l’hugoscope. Car en France, lorsqu’il n’y a plus rien, il reste Victor Hugo.
“Même une chèvre gagnerait contre Hollande. S’il se soumet à la primaire, ce sera le Salon de l’agriculture tous les jours !”
C’est avec ce propos de Gérard Filoche, recueilli par Le Point il y a quelques semaines, que la campagne des présidentielles a vraiment débuté. Car enfin quelqu’un traçait une authentique perspective d’avenir. L’horizon qu’elle dessinait était d’une belle netteté : la primaire socialiste comme Salon de l’agriculture permanent, comme zoo, basse-cour, troupeau, veau, vache, cochon. Et chèvre, donc. Voyez Filoche en âne (rapport au coup de pied) et Montebourg en paon, Lienemann en dinde et Hamon en éléphanteau.
Soudain 2017 résonne de mille cris joyeux, braiements et barrissements, glougloutements et bêlements. Ce n’est plus l’année d’apocalypse que nous redoutions tant, c’est la ferme des animaux. C’est une mêlée joyeuse que Victor Hugo lui-même avait pressentie, jetant dans son grand poème Dieu ces quelques prophéties qui, peut-être, lui avaient été soufflées par les tables parlantes de Jersey alors branchées sur l’Esprit du Socialisme :
“L’éléphant marche avec un fracas d’épouvante ;
L’affreux jararrara, comme une onde vivante,
Autour des hauts bambous et des joncs tortueux
Se roule, et les roseaux deviennent monstrueux ;
Le museau de la fouine au poulailler se plonge ;
Sur la biche aux yeux bleus le léopard s’allonge ;
Le bison sur son dos emporte le couguar
Qui lui suce le sang pendant qu’il fuit hagard.”
Oui, mais la chèvre là-dedans ? Ce n’est pas le meilleur rôle. Cet animal-là ne suce pas le sang des bisons, pas plus qu’il ne s’allonge sur les biches aux yeux bleus. La chèvre béguète, voilà tout. Et s’avère être une bien improbable candidate aux élections de toutes natures. L’an dernier, dans une interview à Paris Match, Jany Le Pen s’en était prise à Marion Maréchal-Le Pen, la petite-fille de Jean-Marie, en ces termes précis : “En 2015, Jean-Marie l’a poussée pour les législatives, il lui a trouvé une circonscription en or dans le Vaucluse, je ne dis pas que même une chèvre avec un chapeau aurait pu être élue, mais enfin…”
La chèvre à chapeau (ou à casque intégral, dans le cas de François Hollande) est une sous-espèce caprine qui se situe tout en bas de la chaîne alimentaire. Le vautour, lui, est tout en haut qui attend son heure, comme Hugo et les esprits l’avaient aussi noté :
“La chèvre, les deux pieds de devant dans la haie,
Voit la couleuvre et bêle avec terreur ; l’orfraie
S’agite dans l’effroi du problème inconnu ;
Sur le crâne pelé du mont sinistre et nu
Le trou de l’aigle est plein de carnage et de fiente ;
La chouette, en qui vit la nuit terrifiante,
Tout en broyant du bec le rat qu’elle surprit,
Songe ; le vautour blanc lui prend sa proie, et rit”
En 2012, l’humoriste Guy Bedos craignait par dessus-tout une nouvelle victoire de Nicolas Sarkozy et s’en allait répétant dans ses spectacles : “Pour dégager Tom Pouce de l’Elysée, je serais prêt à voter pour une chèvre !”
Et ce fut la chèvre qui gagna.
Édouard Launet
2017, Année terrible
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