
Daniel Vierge. Portrait de Clara
Après la tourmente de la Commune, Daniel Vierge s’installe au n°15 de la rue de Richelieu, avec un de ses jeunes compatriotes rencontré à son arrivée à Paris, Garcia Ramone, dans un appartement du 6ème étage, sous les toits. La plus grande pièce servant d’atelier aux deux amis, qui prennent l’engagement irrévocable qu’aucune femme ne franchira le seuil du logis. Engagement bientôt rompu par l’arrivée d’Euphrasie, vite rebaptisée Clara. Daniel en fera le portrait déguisé en page et jouant du violon. Une amie qui le soutiendra dans ses épreuves à venir et qui était sûrement de joyeuse compagnie.
En ce logis touchant au ciel, bien que la voix se contente de monter, on chanta tant de séguidilles, on entonna tant de chorals, on modula tant de vocalises, on battit tant de trilles, on appuya de telles appogiatures, on atteignit de si hautes tessitures, on fit tellement vrombir ce gros hanneton qu’est la mandoline, on pinça de telle énergie la guitare, on fit cliqueter les castagnettes tant et si bien en la nuit du réveillon de 1872, que dans le sabot traditionnel, Daniel sans y prendre garde et s’apprêtant ainsi à l’illustration de Pablo de Ségovie, trouva son congé. Le propriétariat, comme on sait, imbécillise.*
Amusante coïncidence, le propriétaire les sommait de quitter l’appartement de la rue de Richelieu, au moment même où le Monde illustré publiait son illustration Noël en Espagne!

Daniel Vierge. Noël en Espagne
Chassé de la rue de Richelieu, Daniel s’installe au 30 rue Saint-Marc avec Clara. Il gagne au change un véritable atelier, où il commence à recevoir du monde, journalistes, artistes, et graveurs. L’un d’eux, Léopold Flameng (1831-1911) lui présente le romancier et dramaturge Paul Meurice (1818-1905) qui le conduit chez… Victor Hugo ! On serait intimidé à moins. L’écrivain le reçoit simplement et le met à l’aise. Il lui montre ensuite quelques uns de ses propres dessins avant de lui déclarer :
Vous êtes de la maison. Nous allons travailler ensemble. Vous allez m’illustrer. Voulez-vous?
Il y a des propositions qui ne se refusent pas!
Leur collaboration débute par L’Année terrible. Puis ce seront – certains en collaboration – L’Homme qui rit, Les Travailleurs de la Mer, L’histoire d’un crime, sans oublier des illustrations pour Les Quatre-vingt-treize et Les Misérables.
Ces dessins, gravés sur bois par Clément-Édouard Bellenger (1851-1898, le dernier d’une fratrie de graveurs), souvent très sombres, contrastent avec la lumière des illustrations de ses œuvres à venir depuis Quevedo jusqu’à la fin de sa carrière.
*Jules de Marthold, Daniel Vierge, sa vie, son œuvre, Paris 1906, H.Floury éditeur. Une précision orthographique : depuis une correction de 1990, on imbécilise avec un seul l!

Daniel Vierge. Victor Hugo, Les Travailleurs de la Mer – Gilliatt le malin











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