Michel avait dessiné les plans de la maison de Bénédigues au début des années soixante. Au début du 21e siècle, il s’attaque à la maquette de l’abri « inexpugnable » qui les protégera, Françoise et lui, de leurs habituels ennemis – militaires, religieux et politiques – croqués en train de danser des rondes plus infernales que joyeuses. Dessiné d’un trait appliqué et précis, ce repère « modèle Ben Laden », le nom du premier terroriste à avoir effrayé le siècle naissant, semble une maison de poupée en état de siège, modèle réduit de nos peurs. C’est que les modèles réduits, Michel en sait quelque chose qui depuis quelques années s’est (re)pris de passion pour un chemin de fer miniature qu’il fournit régulièrement en nouveau wagons et accessoires lilliputiens. C’est un petit train qu’il faut prendre très au sérieux, comme tous les rêves d’enfants. Jouer sérieusement, se protéger, se moquer de sa peur, avoir peur quand même, rêver, dessiner, vieillir comme un enfant, s’étonner, c’est de tout cela que parlent les vœux 2002, et tout cela se condense dans le regard que se dessine Michel quand il tente une sortie, avec son chien, hors de ce refuge imprenable qui ressemble trait pour trait à la maison qu’il dessina. Une maison qui prend dans les bras, comme si dix-huit ans avant 2020, on nous offrait déjà le lieu idéal où se confiner avec bonheur.