Coauteur, copropriétaire, cohabiter… le préfixe co-, qui indique l’association, la participation, s’accole de plus en plus à de nouveaux mots, signalant des modes de vie et de faire en évolution : colocataire, coworking, covoiturage, cobranding, coproduction… Dans ce co-, il y a donc avec mais aussi à côté, ce qui semble moins fusionnel que l’idée de communauté. On mutualise des outils, un lieu, on partage des actions mais en gardant des distances. C’est un nous qui tient à tous ses je.
Autant de démarches que l’on retrouve dans “Co-urbanisme”, l’exposition présentée au Pavillon de l’Arsenal. Soient quinze fabriques “collaboratives” de la ville. Notons au passage que co- se marie de plus en plus avec collaboratif, et pas avec collaboration. Et permet d’éviter les mots en –tion (participation, concertation) toujours en vogue, mais si souvent trahis. Ou générateurs, en matière d’architecture et d’urbanisme, de compromis mous, comme le projet des Halles à Paris. Et tant pis si co- devient un préfixe valise, comme néo- l’a été dans les années 80.
Mais que les coamateurs d’architecture et d’urbanisme ne se laissent pas rebuter. Il y a de quoi copenser et covoir dans cette expo. On y rencontre quinze vraies démarches, présentées par l’atelier d’urbanisme Approche.s !, qui s’immiscent dans les rouages tortueux et si réglementés de la fabrique de la ville, et mettent en scène et en valeur la ”maîtrise d’usage” des habitants d’un quartier. Face au temps trop long d’un projet, elles défendent des actions courtes sur le chantier. Et inventent des petites formes urbaines, s’inscrivant dans des espaces sous-utilisés ou délaissés, qui sont les cadres de rencontres, d’actions éphémères, évolutives, expérimentales et hybrides, qui enrichiront le projet.
À Dax (40), dans le quartier de Cuyès en réhabilitation, c’est un cabanon qui abrite les échanges des habitants. Parallèlement au gros œuvre de la rénovation du site dont ils sont dépossédés, les usagers inventent des micros-interventions pour coaménager progressivement leur cadre de vie. Dans le bourg de Chirens (Isère), un atelier coélabore un plan-guide avec l’équipe urbaine pour revitaliser le cœur de ce gros village. À Paris, dans le quartier chaotique Fréquel-Fontarabie (XXe arrondissement), c’est le principe de l’hétérogénéité qui a été coretenu dans des ateliers réunissant aménageurs et usagers.
À Lille, sur le site de l’ancienne gare Saint-Sauveur qui continue sa mue, des ateliers inter-services travaillent à des petites échelles pour cocréer des relations de voisinage et de partage dans des espaces communs. À Rennes, l’association Notre atelier commun (NAC) cherche à valoriser les ressources locales, dont l’ancienne faculté des sciences. Sous forme d’université foraine, elle coorganise échanges et expériences. Les projets sont “habités”, inventés dans l’action, sans avoir été pré-décidés d’en haut.
Et il en va ainsi de Saintes à Toulouse, de la Bourgogne à Saint-Étienne, de Grenoble à New York et Anvers. Où l’on copense des projets urbains à des échelles plus humaines, pour compenser les lourdeurs et les erreurs de tout aménagement. À cogiter.
Anne-Marie Fèvre
Exposition Co-urbanisme, Pavillon de l’Arsenal, 21, boulevard Morland, 75004. 01 42 76 33 97. Jusqu’au 11 octobre.
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