Ils entrent les uns derrière les autres en catimini, à petits pas dans une marche peu assurée. Marche, arrêt sur la pointe des pieds. Ils sont les 6 interprètes de la compagnie Kat Vàlastur du nom de sa chorégraphe grecque désormais installée à Berlin. Leur spectacle Ah ! Oh ! A contemporary ritual fait partie des bonnes surprises que nous réserve régulièrement le festival d’Uzès, proposé par le Centre de Développement Chorégraphique, attentif aux jeunes auteurs. Et visiblement, on devra compter avec Kat Vàlastur, que l’on retrouvera d’ailleurs la saison prochaine au Théâtre de Nîmes.
![©Dorothea Tuch](https://delibere.fr/wp-content/uploads/AHOH-KatValastur1©Dorothea-Tuch-1024x683.jpg)
©Dorothea Tuch
Sous un cercle de lumière qui n’a pas pu être installé faute de cintres dans la salle de plein air du jardin de l’Evêché mais dont on a une idée grâce à l’habileté des techniciens, nous assistons à un rituel très particulier. Les deux saisons dernières, ce thème a régulièrement été traité et la plupart du temps avec bonheur, comme ce fut le cas avec BiT de Maguy Marin ou avec D’après une histoire vraie de Christian Rizzo. Les réponses sont multiples à cette question qui taraude tout un chacun : comment se prendre la main dans une ronde, une farandole pour mieux reprendre la main sur un monde émietté, éparpillé sur le Net ?
Ou comment les formes d’anciennes danses peuvent échapper à leur statut de folklore vieillissant pour retrouver un sens politique et éthique. La figure du cercle, la plus harmonieuse de la géométrie aide la chorégraphe dans son propos, répercuté par la lumière de Martin Beeretz et par le son palpitant de Lambros Pigounis. Mais on n’entre pas d’emblée dans une joyeuse farandole, c’est même tout l’inverse. Chacun des interprètes a les mains dans les poches, personnages plutôt sombres de jeux vidéo, espèces de marlous qui ne nous font pas peur mais nous inquiètent. Ils marchent comme s’ils allaient sauter sur une mine, ils ont les joues gonflées mais ne mâchent rien. Comme dans un vaisseau spatial dégagés de la pesanteur, ils tentent à plusieurs reprises de se donner la main, échouent, recommencent.
Ce n’est pas tellement par la main que le courant passe mais par la bouche. Par la langue réduite à sa plus simple expression avec deux interjections “Ah ! Oh !”, comme dans les pub. La mise en relation par le toucher s’opère par la salive qu’ils se passent de l’un à l’autre. Filles et garçons ne se distinguent nullement par des attributs féminins ou masculins. Ils sont crispés, semblent avoir envie de vomir, les épaules remontées, sauf à un endroit de la pièce où les corps respirent, lâchent les tensions. À pas de loups ou de chats, ils forment un groupe où finalement, chacun trouve son espace. Aux réseaux sociaux qui peuvent aussi isoler, Kat Vàlastur répond par la bande, sa bande.
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