Comment filmer un musicien populaire contemporain ? Prenons deux exemples : un qui filme et un qui joue, David Ctiborsky et Rhodes Tennis Court, respectivement. Le premier a suivi pendant deux semaines le musicien electro Thylacine dans le transsibérien, parti à la rencontre de musiciens locaux et d’inspiration. Le second, ce sont les musiciens de Rhodes Tennis Court, Marin Esteban et Benjamin Efrati, qui se décrivent comme “jouant face à face, comme à un jeu de raquettes, la compétition en moins”. Où l’on voit que c’est avec les yeux aussi qu’on fait de la musique. (Lire la suite)
La mise en scène de soi, et avec elle la mise en images du corps, caractérise le monde 2.0.: sur Instagram, Périscope, etc., chacun est tour à tour corps montré et corps montrant. Mais que nous disent ces nouvelles représentations de l’usage que nous faisons de nous-mêmes?
par Éric Loret
Le poulet, cet incompris
Il suffit de taper “poulet” dans Vine ou “#poulet” et c’est la cataracte. Une jeune fille chante “j’ai pas mangé de poulet alors j’ai l’impression que je vais crever”. Des garçons se mettent à danser quand ils apprennent que leur “daronne” a fait du poulet. D’autres pleurent parce que le prix du poulet a augmenté. Une variante est possible avec le KFC, ce qui complique singulièrement la mise. En effet, on croyait avoir compris que ce délire gallinacé était le renversement d’un cliché raciste repris à leur compte par ceux qui en sont victimes. Bref, que les “renois”, en faisant toutes les variations possibles sur le poulet, se moquaient de ceux qui leur attribuent un goût particulier pour le poulet. Mais le poulet du KFC n’est plus exactement du poulet. C’est du poulet symbolique. (Lire la suite)
Vidéo musicale et vomi (comparatif)
L’idée de départ était de regarder deux vidéos musicales un peu contemporaines, pas trop flan façon Adele. On choisit donc Tame Impala et Oneohtrix Point Never pour la musique, soit respectivement le collectif Canada et l’artiste Jon Rafman pour la vidéo, même si dans ce second cas, le compositeur Daniel Lopatin a codirigé le clip. On regarde. L’œuvre de Rafman et Lopatin, Sticky Drama, titre idoine signifiant “drame collant”, ou en l’occurrence gluant, n’a pas manqué de détracteurs pour noter que c’était un peu dégoûtant, toutes ces pustules, ce pipi et ce vomi. Dans The Less I Know the Better de Canada, le personnage masculin aussi vomit, mais de la peinture, qui vient recouvrir le corps de la jeune fille, change de couleur et suggère des menstrues tartinant un entrejambe. (Lire la suite)
De l’instagrammatologie
Réussir son compte Instagram, ce n’est pas si facile. Parce que comme avec tous les instruments de création 2.0, le risque du “trop” n’est jamais loin. Vous avez dix mille filtres à dispo, des outils de recadrage, de réglage, etc. pour rendre une photo ratée acceptable. En général, une petite retouche suffit. Mais le syndrome “open bar” frappe régulièrement : on sature les couleurs, on ajoute un cadre vintage, et puis aussi un effet “vignette” qui fait trop mystérieux, tel un trait de kohl sous les yeux. Résultat : c’est plus un cliché, c’est un camion volé. À part ça, que montrer sur Instagram ? C’est en principe l’endroit où s’exprime votre créativité, votre voyeurisme s’exerçant quant à lui sur Facebook et votre sens du café du commerce sur Twitter. Comment accumuler les likes ou, au contraire, rater sa vie sur Instagram ? (Lire la suite)
Le #LogeurduDaesh vivait à saint Déni
De quoi pouvait-on bien rire encore après le 13 novembre ? Non pas rire sans rapport avec les attentats mais rire à leur propos, autour d’eux : comment les apprivoiser, les circonscrire psychiquement ? L’homme providentiel s’appelle Jawad Bendaoud. Les internautes l’ont hashtagué #logeurdudaesh, la faute de syntaxe valant comme signe de la parodie et de la duplicité. Il est devenu un mème en trois secondes et demie grâce à sa déclaration sur BFMTV : “On m’a demandé de rendre service, j’ai rendu service, monsieur. On m’a dit d’héberger deux personnes pendant trois jours et j’ai rendu service. Je sais pas d’où ils viennent, on n’est au courant de rien. Si je savais, vous croyez que je les aurais hébergés ?” Perçue comme un mensonge par de nombreuses personnes, la déclaration a donné lieu à des centaines de détournements. (Lire la suite)
Cyprien : vieillir n’est pas son genre
Un propriétaire de corps nous écrit. Enfin, pas qu’à nous. C’est le célébrissime Cyprien. Et comme nous sommes judéo-chrétiens, il se plaint, prétérition aidant. Parler de son corps, faire parler son corps, c’est à peu près la seule activité des vlogueurs, même déguisée en autre chose. Il y a quelques mois, la Youtubeuse Natoo avait donné la parole à ses seins ou ses fesses. Le dialogue était positif puisque son corps, après l’avoir gentiment bitchée, la remerciait de s’être acceptée avec ses petits défauts. Chez Cyprien, c’est plus vindicatif. On apprend qu’il a les poils de la barbe et des sourcils plantés n’importe comment, qu’il est myope d’un œil et hypermétrope de l’autre, qu’il “transpire comme un gros porc”, qu’il prend du gras sur les hanches et les cuisses “comme une femme”. Par conséquent, il s’épile et fait un régime. Last but not least, il semble commencer à perdre ses cheveux. (Lire la suite)
Montre ta b… et tu verras la tour Eiffel
Un homme, culturellement, a-t-il autre chose de caché que son pénis ? Chez la femme, chaque partie du corps étant investie par le désir et la pulsion scopique masculine, il y a tout à découvrir. Chez les mecs, à peine un slip. Tel usager de site porno a donc philosophiquement raison de dire“mon petit sexe” : le tout de l’homme est par définition réduit. L’homme pourra toujours demander à la femme de tout montrer sans être jamais satisfait, et la femme, devant l’homme qui “montre tout” n’aura jamais rien d’autre à dire que : “c’est tout ?” De fait, jemontremabite.com est d’un ennui mortel. Courtes, longues, trapues, pointues, rondes, bronzées, livides ou écarlates, on s’en fout. C’est, d’une certaine façon, toujours la même bite. Une explication de ce phénomène d’annihilation de l’intérêt a été tentée par les antimodernes de la fin du XIXe siècle. (Lire la suite)
Toi, fille (U.S. Girls)
Comme elle passait par là (en tournée) et que sa musique nous plaît, on décide de regarder les vidéos de Meg Remy, alias U.S. Girls, d’un oeil sans oreille, et un peu éveillé. En tant qu’homme, on se dit assez vite que, dans son cas, se mettre en scène comme femme consiste à les incarner toutes à la fois et, par conséquent, à démontrer qu’on ne peut que devenir femme, et non pas l’être. La vidéo de Sororal feelings, premier titre de son dernier album Half free, la montre fixant plus ou moins la caméra comme si c’était un miroir. À propos de cette chanson, Remy, qui a monté la vidéo elle-même, déclare tirer son inspiration d’une question : “Et si tu découvrais que ton mari a couché avec toutes tes soeurs avant de te choisir ?” (Lire la suite)
Periscope ou les enfants au pouvoir
D’abord, le nom est bien trouvé. Le périscope est ce qui permet littéralement d’embrasser tout l’horizon, de le circonscrire d’un coup d’oeil rotatif. Totalitaire, il possède en outre de super pouvoirs : avec lui, nous dit le dictionnaire, on observe “par-dessus un obstacle des objets inaccessibles à la vision directe”. Deuxio, l’imaginaire du périscope est un peu celui du sous-marin. Planqué dans une boîte en fer, on peut se livrer aux délices du voyeurisme comme dans les dessins animés de la Warner, sans parler de la forme phallique de l’engin : la pulsion scopique est de sortie. Periscope permet à chacun de diffuser en direct les images que capte la caméra de son smartphone, c’est-à-dire d’être une télé. (Lire la suite)
L’un des plus beaux visages de France
Autant la location de soi sur Internet demande d’être nature, cheveux gras et yeux pochés, dans le simple appareil d’une beauté qu’on vient d’
Cul en ligne ? Pour les questions, j’ai Nantes
Un chercheur de l’Université de Nantes a posté un questionnaire en ligne pour “comprendre les usages amoureux et sexuels du web 2.0” dans le cadre de sa thèse. Soit, en gros, comment on se sert des sites de cul, de rencontre, des apps géolocalisées, de son image, de celle des autres, et si on raconte ça à nos amis ou nos parents, etc. Comme le questionnaire propose des réponses pré-établies à cocher, il soulève forcément aussi d’autres questionnements, sur soi, autrui, la vie en général.L’heure de l’introspection du troufignon est venue. (Lire la suite)
Le pourboire et le contrat (Cam4)
Il n’était plus temps de se cacher derrière son petit doigt, ni son petit stylo. Après plusieurs épisodes sur la vie en conserve (clips vidéos, youtubeurs, vineurs, etc.), il était temps d’affronter la vie en direct sur le web. Des gens qui montrent leur corps en même temps que vous les regardez, à qui vous pouvez même éventuellement demander de faire des trucs. Par exemple sur Cam4, un site où tout un chacun peut chatter, s’exhiber (c’est le principe, mais vous pouvez juste discuter, si vous préférez) ou se prostituer virtuellement. (Lire la suite)
The Kidults : “mascara, pourquoi ?”
L’idée formelle qui mène le burlesque des Kidults, c’est que tout se passe dans une salle de bains et que nous sommes à la place du miroir. Les sketches se déclinent en Vines de six secondes ou en formats plus longs sur Youtube. Deux couples de colocataires plus quelques guests entremêlent leurs cheveux, leurs brosses à dents et des dilemmes pataphysiques. La forme spéculaire est ultra-cohérente à l’époque. Que l’objectif de la caméra du smartphone soit notre nouveau miroir est une évidence. (Lire la suite)
Le pout-pout bien tempéré, vol. 2 (tuto Kylie Jenner)
Mettre sa bouche dans un petit récipient et faire le vide en aspirant l’air. Si l’on persiste assez longtemps, on obtient une belle augmentation du volume des lèvres. Cela marche aussi avec le pénis, mais aspirer l’air par le méat est un peu plus compliqué. Quoi qu’il en soit, l’effet ne dure pas, sauf à y être allé comme un barbare et s’être niqué des vaisseaux sanguins. Mais l’idée de persister au delà du temps réglementaire dans ses jeux d’enfant est riche de possibilités. (Lire la suite)
Le pout-pout bien tempéré, vol.1 (tuto Lana Del Rey)
Pour fêter la sortie du nouvel album de Lana Del Rey le 18 septembre, on s’est redemandé, comme déjà à chacun de ses singles, si ses lèvres étaient vraies ou fausses. Ce n’est pas curiosité malsaine. Au contraire. La question est scientifique, d’ordre musicologique, voire esthétique. La voix, le corps, tout l’art de Lana Del Rey ressortissent au pouting, à la bouderie. Il est donc hyper-important de savoir si le pout de Lana est naturel ou synthétique. Si c’est l’organe qui crée la fonction ou si la fonction a poussé l’artiste à réviser les volumes de son organe à coups d’acide hyaluronique. (Lire la suite)
Daron, ceinturon, téléportation
Il y a un gag récurrent sur Vine (ou Instagram), chez les jeunes garçons dont les parents sont originaires d’Afrique de l’Ouest : le fils se retrouve face à son père armé d’une ceinture qui le frappe, en général sans motif probant, sinon que, puisque la ceinture existe, il faut s’en servir. Et à quoi d’autre, logique de l’absurde, si ce n’est à sévir ? Nous adultes, nous savons pourquoi le père veut toujours taper le fils : parce qu’un ordre social plus grand que le fils demande que celui-ci y soit intégré, ordre dont le fils n’a pas la moindre idée. Le running gag du père frappeur participe d’un ensemble de saynètes qui racontent avec humour un prolétariat classiquement désireux d’élévation sociale. (Lire la suite)
Tyler devient hardeur
Il fera à son corps tout ce qu’on lui demande. C’est le paysan perverti par lui-même, et qui se présente comme tel sur sa page : “Je suis d’Alabama, j’ai donc ce charme particulier dont vous avez tous entendu parler et j’aime m’exhiber comme vous pouvez le voir ici !” Celui qui se présente sur XTube comme Tyler Camp (pseudo 1bamaboy19) a un tel accent sudiste qu’on ne comprend à peu près rien à ce qu’il raconte. Et il parle beaucoup, tout en se masturbant, la plupart du temps, et en éjaculant à la fin : le garçon n’est pas avare. Il pratique le plan-séquence, ses films durent 20 ou 40 minutes, montage interdit, Bazin se serait joui dessus de bonheur esthétique. (Lire la suite)
Miss Serbia, à miroir de rire
Si elle s’amuse, comme la plupart de ses consœurs, à dévoiler ce que la société demande aux femmes d’occulter (elles pètent, rotent, font des commentaires sur le “boule” des mecs), Miss Serbia est une des rares sur Vine qui s’amuse à imiter les garçons. Et le fait de pouvoir tout imiter, de modifier son regard, sa moue, etc. à volonté, semble lui prouver la plasticité de l’identité humaine. Le rire vient toujours ici d’un décollement critique : quand on s’aperçoit que ce qu’on croyait naturel, inévitable, est en réalité partiellement fabriqué. Miss Serbia adore du coup analyser le désir, la jalousie, le dégoût, et leurs contradictions. (Lire la suite)
Bowie, la vieillesse comme avatar
Rétrovision II. David Bowie a 68 ans, le cinquième âge à l’aune du rock. La refonte par James Murphy de son morceau Love is Lost, intitulée Hello Steve Reich mix, n’arrive à nos oreilles que deux ans après sa sortie. L’album The Next Day s’usait assez vite, mais le laminage métallique de l’ex-LCD Soundsystem, culminant en un sample de Ashes to ashes apparié avec la rythmique de Fashion, font de ce Love is Lost une fusée qui donne délicieusement envie de mourir. (Lire la suite)
Yung Jake, interactif passif
C’était au printemps dernier, consultant le site redshoes (“red shoes | SOME SHOES est une structure de production et de diffusion d’oeuvres contemporaines”) : les “news” de l’automne 2014 y étaient encore affichées. Rétrovision. Ne lisant pas plus loin que la première photo, on s’arrête sur celle de Yung Jake, jeune rappeur américain dont est donné en lien un clip vidéo étonnant, Embedded. Yung Jake est aussi un artiste digital sorti de CalArts, qui au lieu de glorifier la bimbeloterie technologique la rend pitoyable, la renvoie à son ineptie. (Lire la suite)
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Exx Machina #44: Un joli papiyon
Si un concept subjectif et son dual sont en fait la même chose, ce n’est plus un treillis que tu manipules: c’est le papyion lui-même, dans lequel chaque concept et son dual se confondent en un seul cercle vu en transparence, et c’est ce cercle qui est le concept subjectif. Si on va par là, tout notre travail sur les treillis est à mettre à la poubelle. Attention, je ne dis pas que c’est absurde, je dis juste que si c’est vrai tu viens de nous rajouter quelques mois de boulot.
Leçon de Duchamp (2)
Encore un coup d’aspirateur avant d’enrouler le tube! Sinon nous perdrons son contenu!
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