Signes précurseurs de la fin du monde : chaque semaine, l’Apocalypse en cinquante leçons et chansons. Ou peut-être moins si elle survenait plus tôt que prévu.
« La marque des pensées de la catastrophe est d’inscrire le futur dans le présent ». Ainsi écrivait le philosophe Michael Fœssel en 2012 (Après la fin du monde, Seuil). Pour que les choses soient parfaitement claires, il ajoutait : « La consistance du présent se trouve abolie au profit d’une fin dont on postule qu’elle est déjà à l’œuvre dans l’histoire ». L’effondrement de nos sociétés sous les coups de boutoir conjugués de la démographie, du dérèglement climatique, des migrations et des désillusions ne s’est pas encore produit que nous le vivons déjà. C’est comme s’il était advenu, il est dans nos têtes. Il est vrai qu’il y a de moins en moins de gens pour penser que les démocraties libérales seront en mesure de faire face aux chocs qui les attendent, ou plutôt qui ne les attendent plus. Quelque part au fond de nous, nous savons bien que les dés sont jetés, et nos comportements s’en ressentent. Notre terrible futur est inscrit dans chaque bulletin d’information.
On ne sait pas trop pour quelles raisons l’empire romain s’est effondré, il y en a sans doute beaucoup. Mais on sait comment cela s’est passé : les Barbares et autres Vandales ont peu à peu phagocyté un empire qui n’avait plus de dynamique, plus de jus, plus d’horizons nouveaux. On trouve sur le web d’assez jolies animations qui montrent la croissance du règne romain autour de la Méditerranée, puis sa décroissance. C’est un film catastrophe qui donne à voir en accéléré ce qui nous attend. Hier, l’affaire a tout de même pris un peu de temps : à partir du moment (IIIe siècle) où les Francs et les Alamans se mettent à dévaster la Gaule, l’Espagne et l’Italie du Nord, les Romains vont être soumis cinq siècles durant à cette pression destructrice qui finira par laminer leur civilisation. Et il faudra quelques siècles de plus pour qu’advienne la Renaissance.
Qui seront les nouveaux Barbares ? À quoi ressemblera notre Moyen Âge ? Quand en sortirons-nous ? En sortirons-nous ? Certes, l’histoire ne se répète pas — ou alors comme une farce, disait l’autre — mais on peut tirer toujours quelques fils prospectifs. Notre effondrement sera beaucoup plus rapide, il sera violent : le retour à la terre va être plus rude que les décroissants ne l’espéraient. L’internet fonctionnera-t-il encore ? Y aura-t-il seulement du courant électrique ? On ne sait ce qu’il est prévu pour les réacteurs nucléaires en temps de crise. Le dernier qui sort débranche tout et cadenasse les portes ? Et l’alimentation en eau ? Et ma carte de fidélité de la Fnac ? C’est le genre de questions que l’on commence à se poser.
Comme souvent, le poète a pressenti la fin, il l’a vue. Ainsi Bernard Lavilliers dès 1976 :
Les Barbares habitaient dans les angles tranchants
Des cités exilées au large des business.
Ils rivaient leurs blousons d’étranges firmaments
Où luisaient la folie, la mort et la jeunesse.
La nuit le haut fourneau mijotait ses dollars
La fumée ruisselait sur nos casques rouillés
Dans le vestiaire cradingue, cinq minutes volées
À la fumée, au feu, au bruit, au désespoir.
Édouard Launet
Signes précurseurs de la fin du monde
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