“Elle plante son talon aiguille dans le crâne de son compagnon”.
En Arabie Saoudite, pays de sable et d’hydrocarbures, une classique dispute de couple s’est terminée de manière peu classique. Grave traumatisme crânien, a diagnostiqué le service des urgences. On n’aurait jamais entendu parler de l’affaire si les agences de presse n’avaient pu relayer, en même tant que l’information, une photo de la tête de l’homme avec à son sommet le stiletto encore enfoncé. Magie de l’image !
Pas peu fiers, les médecins de l’hôpital saoudien ont indiqué à la presse n’avoir jamais vu un tel cas. Cette tentative de meurtre au talon-aiguille a pourtant eu plusieurs précédents, en particulier aux Etats-Unis où les femmes ont plus souvent sous la main une chaussure au talon pointu qu’une tronçonneuse (cela doit être vrai dans beaucoup de pays).
Le talon aiguille est apparu dans les années 1930. Sa longueur peut atteindre 25 cm, pour celles qui ne souffrent pas de vertige. Son diamètre à la base est rarement supérieur à 1 cm et sa rigidité est à toute épreuve, la preuve. Cet accessoire effilé n’est pas aussi pénétrant qu’un clou mais largement plus pratique en cas de différend conjugal : on pense rarement à planter un clou dans le crâne de son partenaire lors d’une dispute, d’autant que si l’on a un marteau sous la main il est tentant de s’en servir directement (le cas s’est vu, et plus d’une fois).
Les assauts au talon aiguille se déroulent presque toujours lorsque l’un ou plus souvent les deux partenaires ont un fort taux d’alcool dans le sang. L’agresseur est de sexe féminin, l’agressé est mâle et violent. L’acte n’est généralement pas prémédité, c’est une inspiration du moment réalisée avec les moyens du bord. Les motifs peuvent être variés, mais c’est toujours la tête qui est visée. Une Texane a tué son petit ami (un médecin) de 25 coups de talon dans le visage et sur le crâne, lors d’une soirée très arrosée -la chaussure était bleue, en cuir suédé, pointure 41, avec un talon de 15 cm. La femme a plaidé la légitime défense, elle a écopé de trente ans de prison. Un cas similaire a été récemment constaté en Georgie : coups répétés à la tête ayant entraîné la mort portés par une femme déchaussée qui, elle aussi, a plaidé la défense légitime. On ne connaît ici ni la pointure de la chaussure ni la longueur du talon, mais il est clair que la soirée se serait mieux terminée si la femme avait porté des moonboots ou des pantoufles.
Les revues de médecine légale se sont encore peu penchées sur ce type de crimes, les talons aiguille nourrissant plutôt des articles ayant trait à des stimulations anales qui ont mal tourné : c’est une très mauvaise idée que de s’enfoncer des talons pointus dans l’anus, on préférera des objets en plastique. De leur côté, des chercheurs britanniques du Royal Veterinary College britannique ont récemment établi qu’un pied humain chaussé de talons hauts exerçait sur le sol exactement la même pression qu’une patte d’autruche. Ils en ont conclu qu’au lieu de chercher à reproduire la mécanique complexe d’une jambe humaine, les concepteurs de prothèses et de robots gagneraient à les simplifier. En effet, pour les personnes ayant subi une amputation au-dessus du genou, une prothèse humanoïde classique s’avère généralement lourde et encombrante. Il serait bien plus efficace, suggèrent les biomécaniciens, de doter ces patients d’un pied d’autruche fixé au bout d’une jambe ultra légère. Il suffit pour s’en persuader de regarder les prothèses utilisées par l’athlète handicapé sud-africain Oscar Pistorius : des lames légères et flexibles qui ont fait leurs preuves en compétition, mais pas encore dans des tentatives de meurtre. Car, bizarrement, c’est à l’arme à feu que Pistorius a tué sa petite amie.
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