Signes précurseurs de la fin du monde : chaque semaine, l’Apocalypse en cinquante leçons et chansons. Ou peut-être moins si elle survenait plus tôt que prévu.
Présenter ses vœux de nouvelle année à Pierre, Paul et Jacqueline est une obligation un peu lassante, mais, en ce mois de janvier 2019, l’exercice a un côté cocasse qui le rend moins pénible. Le climat devient fou, et on est à peu près sûr que cela ne va qu’empirer. Le populisme gagne lentement mais sûrement la planète. Le système économico-industriel s’approche de la rupture. La vie intellectuelle se résume peu ou prou au clapot circulaire des débats diffusés ad nauseam par les chaînes d’info en continu. Où que l’on regarde, aucun motif de véritable espoir, de rêve ou de fuite n’est en vue. Où que l’on tende l’oreille, ce ne sont que disques rayés : Paul McCartney faisant un énième album, les Rolling Stones partant pour une énième tournée, Michel Houellebecq décoré de la Légion d’honneur. Il ne manque plus qu’un retour de Giscard et la sanctification de Johnny à Rome (ou l’inverse) pour que le désastre soit complet.
Pour autant, il ne faut pas complètement désespérer puisque l’on finira bien, tôt ou tard, par toucher le fond de cette morne piscine et donc nécessairement par remonter — du moins ceux qui auront survécu — vers la surface d’un monde nouveau. Certes il sera en triste état, couvert de vapeurs de soufre et de cadavres, mais les périodes de reconstruction ne sont-elles pas les plus stimulantes ? Ne gardons-nous pas un souvenir ému de la Libération et du programme du Conseil national de la Résistance ? Il serait donc plus opportun de se souhaiter une année franchement catastrophique afin de s’extraire de ce cauchemar au plus vite. Reste à déterminer la nature des catastrophes susceptibles d’accélérer le mouvement.
Écartons d’emblée l’arrivée d’une météorite géante qui dévasterait la planète car elle n’offrirait de perspectives qu’à très long terme : il faudrait sans doute quelques millions d’années avant qu’une forme de vie éventuellement intelligente ne recolonise les décombres. Écartons aussi la guerre nucléaire généralisée, pour la même raison.
Tiens, pourquoi pas une petite guerre civile ? L’insurrection par procuration que nous offrent les gilets jaunes est un succédané dont nous n’allons pas nous satisfaire longtemps : il ne peut y avoir autour des ronds-points de révolution autre que celle du trafic automobile (les bons jours). Il faudrait que ce soit une guerre civile un peu loufoque, pas trop meurtrière, à l’image de celle que Godard met en scène dans Les Carabiniers. Mai 2019 : le gouvernement Macron explose à force de palinodies et de rodomontades. Le pouvoir est vacant, personne ne s’en empare faute d’en être capable ou de simplement le vouloir. La France devient une sorte de Belgique agitée et confuse, sillonnée par des tribus en haillons et des prédicateurs. Le mouvement gagne l’Europe puis le monde. La civilisation se délite. Tout est à reconstruire. Bingo !
2019 en tant qu’année de grand chaos ne commence-t-elle pas à devenir désirable ? Qu’on en finisse pour recommencer ! Bonne année et joyeux bordel ! Merci, vous aussi ! Et sur la platine antédiluvienne sauvée du naufrage, nous mettrons cette rondelle de Priscilla Betti en positionnant le saphir sur Tout est à refaire.
Tout, tout est à refaire
Et tout est à refaire
Tu retournes en enfer,
Et tout est à refaire
Édouard Launet
Signes précurseurs de la fin du monde
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