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Anaphores, désillusions et constitutionnalité
| 21 Mai 2016

“‘À quoi sert François Hollande ?’ : L’étrange intitulé d’un examen de droit.” (20 Minutes)

C’est jour de partiel de droit constitutionnel à la faculté de la Couronne, à Angoulême. Deux questions, au choix, sont proposées aux étudiants. La première porte sur le rôle du Conseil constitutionnel dans la formation du bloc de constitutionnalité. Pffff … La seconde se résume à ces mots : “À quoi sert François Hollande ?”. Ainsi posée, la question porte en elle sa réponse (“à rien !”) tant elle ressemble au titre de couverture d’un hebdomadaire – de droite ou de gauche, peu importe – qui aurait décidé de se farcir méthodiquement le Président en pages intérieures. Cela n’échappe pas aux étudiants : un fou rire général éclate dans l’amphithéâtre. Le type qui surveille l’examen se sent obligé de préciser que le sujet n°2 nécessite quand même une argumentation. Ce “quand même” est formidable. Ainsi, en tout cas, naît un fait divers.

Après avoir fait rire (un peu jaune) l’amphithéâtre, la question a fait glousser les réseaux sociaux, au point que le doyen de la faculté de Poitiers, dont dépend La Couronne, a été sommé de répondre aux questions de la presse. L’homme a plaidé une “maladresse de formulation, peut-être une erreur de jeunesse”, avant de préciser qu’il n’avait eu aucune plainte de la part des étudiants et que le collègue auteur de cette question facétieuse n’était “pas hostile au Président et se garderait bien de porter quelque jugement que ce soit sur son action”. Pour le doyen, il s’agissait probablement  d’“attirer l’intérêt des étudiants (…) et leur montrer que même si on est dans un cadre particulier, il faut garder un certain sens de l’humour”.

Il faut en conclure que l’humour a consisté ici à reformuler la question classique  “Quel est le rôle du président de la République ?” en la tirant vers un ton polémique, une polémique personnalisée. Pourquoi pas, après tout ? N’est-il pas bon que les partiels de droit constitutionnel fassent rire un peu ? Mais tout de même nous aimerions savoir si les correcteurs ont fait preuve d’autant d’humour en aval, en appréciant les copies des étudiants à l’aune du clin d’œil qui leur avait été adressé. Car à la question “À quoi sert François Hollande ?”, on n’a évidemment aucune envie de répondre des choses comme : l’article 8 de la Constitution de 1958 donne au président le droit de nommer le Premier ministre, etc. L’envie nous vient plutôt de clamer que Hollande a servi et continue de servir à :

– remplacer au pied levé un Dominique Strauss-Kahn qui s’est trouvé momentanément empêché (exit le peignoir, bonjour le scooter),

– figurer sur quelques centaines de selfies pris par des inconnus, des énervés et des stars de télé-réalité, clichés où il est rarement à son avantage,

– faire passer le goût des anaphores (“Moi Président…”) à deux ou trois générations d’hommes politiques,

– dissoudre dans une triste flaque de désillusion les dernières ambitions de la gauche en matière de justice sociale et de volontarisme politique.

Quelques jours plus tard, François Hollande en personne a fini par être interpellé par un journaliste sur la question d’examen sacrilège. Comme si la faculté de la Couronne était subitement devenue le centre du monde. Eh bien le Président en exercice a rétorqué que le sujet proposé aux étudiants “n’était pas une question saugrenue”. “À quoi sert le président de la République ? Est-ce qu’il est possible encore de changer le destin d’un pays, c’est ça la question, au-delà de celui qui est aux responsabilités. Est-ce que la politique a encore du pouvoir ?”, a interrogé François Hollande. Si le Président lui-même se pose la question …

Cela étant dit, il était sans doute moins risqué de tartiner sur le bloc de constitutionnalité.

Édouard Launet

Sciences du fait divers

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