Chefs-d’œuvre retrouvés de la littérature érotique : chaque semaine, Edouard Launet révèle et analyse un inédit grivois ou licencieux, voire obscène, surgi de la plume d’un grand écrivain.
La Musardine est une maison d’édition française spécialisée dans les textes érotiques. Elle est connue en particulier pour sa collection Osez, dont les ouvrages sont tous dédiés à des pratiques plus ou moins transgressives ainsi que l’indiquent leurs titres : Osez la sodomie, Osez le libertinage, Osez coucher pour réussir, etc. La collection regroupe à ce jour près de soixante-dix titres, et pourrait en compter de deux plus si Osez la zoophilie et Osez l’acromotophilie (attirance sexuelle envers les personnes amputées) avaient été publiés. Mais ces manuscrits sont restés dans les tiroirs de l’éditeur, peut-être par peur de poursuites judiciaires, peut-être parce que le marché de ces deux ouvrages s’annonçait extrêmement limité. Il est possible enfin que les textes en question n’aient pas eu une qualité littéraire suffisante, ce dont nous n’allons pas tarder à juger.
Précisons au préalable que les deux manuscrits nous ont été transmis par une source anonyme et que la Musardine dément les avoir jamais eus en sa possession. Rappelons ensuite le code pénal, par son article 521-1, punit de deux ans d’emprisonnement et de trente mille euros d’amende toute personne ayant exercé des sévices graves ou de nature sexuelle envers un animal domestique, ou apprivoisé, ou tenu en captivité, et que les coupables peuvent se voir interdire, à titre définitif ou non, de détenir un animal. Dans sa grande sagesse, le législateur a toutefois prévu que les dispositions du présent article ne seraient pas applicables aux courses de taureaux ni aux combats de coqs lorsqu’une tradition locale ininterrompue pouvait être invoquée (ce qui ne veut évidemment pas dire que l’on peut sodomiser un taureau ou se faire sucer par un coq, deux activités qui restent prohibées en sus d’être éminemment dangereuses).
Donc, osons la zoophilie et ouvrons l’ouvrage concerné à la page du sommaire. Celui-ci est assez direct : 1- Faire l’amour avec son chat. 2- Faire l’amour avec son chien. 3- Faire l’amour avec son cochon, etc. Le chapitre 12, fort étonnant, est consacré à la sodomie des hamsters. Non dénué d’humour, il pourrait bien être de nature parodique. Extrait :
Sodomiser un hamster, ou un cochon d’Inde, réclame un animal particulièrement corpulent ou un amant au sexe particulièrement fin, préférablement les deux. L’expérience vaut d’être tentée : le plaisir qu’elle procure est comparable à celui que l’on éprouve en enfilant une moufle bien chaude. J’ai joui, il y a quelques années, de la compagnie de deux êtres particulièrement délicieux, Tram et Troum, l’un blanc l’autre noir, tous deux toujours d’excellente humeur. Je sentais bien qu’ils auraient aimé m’associer à leurs jeux nocturnes (animal crépusculaire, le hamster ne s’éveille véritablement que dans la soirée, puis il s’affaire jusqu’aux premières heures de la journée), mais je ne me voyais pas tourner dans la roue avec eux : je n’aurais même pas pu entrer dans leur cage. Aussi ai-je fini par les en extraire pour les mettre dans mon lit. Quelle fête ce fut ! Ce fut d’abord Troum qui fit la moufle, puis, parce que ce type d’accessoires est généralement vendu par paires, ce fut Tram. Cette nuit Troum-Tram fut suivie par une nuit Tram-Troum-Tram. Tram n’y a pas survécu et la suivante fut une Troum-Troum-Troum. J’ai enterré les deux petites bêtes dans le jardin et j’ai acheté un lapin nain à l’animalerie de Jardiland. Mais je flottais un peu là-dedans. J’ai regretté de ne pas avoir suivi le conseil du vendeur qui me conseillait un canari.
L’acromotophilie, elle, n’est pas passible de poursuites pénales tant que l’amputé qui partage vos jeux érotiques est consentant et de race humaine. On ne sait combien de personnes partagent cette paraphilie, mais cet érotisme du moignon pourrait bien relever de la psychopathologie — sans parler des apotemnophiles qui, eux, trouvent leur plaisir dans l’amputation. Le texte qui est parvenu (ou pas) à la Musardine étant d’une lecture insoutenable, nous n’en citerons qu’un court passage, lequel révèle chez l’auteur une inclination poétique qui peine à trouver son objet :
Elle s’appelait Jade, mais je l’appelais Cul-de-Jade parce que ce n’est pas entre ses jambes, absentes, que je trouvais mon plaisir. J’aurais aimé qu’elle n’eût pas de bras non plus, mais on ne peut pas tout avoir, c’est-à-dire n’avoir qu’un cul. Cul-de-Jade avait en tout cas une bouche aussi accueillante que son anus.
Si d’aventure la Musardine osait un jour un Osez la nécrophilie, le texte aurait intérêt à présenter des qualités littéraires phénoménales.
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