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Nola Darling n’en fait qu’à sa tête
| 07 Août 2022

Artiste plasticienne et jeune femme polyamoureuse, Nola Darling défend ses choix professionnels et personnels dans un monde bombardé d’injonctions faites aux corps des femmes. Diffusée sur Netflix, la série de Spike Lee, adaptation de son premier long métrage éponyme (She’s Got to have it, 1986 – en français, Nola Darling n’en fait qu’à sa tête), prend pour appui les valeurs « traditionnelles » du réalisateur: l’affirmation de soi, la mise en avant de la culture afro, la critique d’un monde financier qui broie l’individualité. Au centre du récit, un thème éminemment politique: la sexualité de la femme et les rôles amoureux, entre exigences de la société, et plaisirs et libertés individuels.

Nola Darling en position du cormoran radieux, avec Jamie.

Nola en position du cormoran radieux, avec Jamie.

Wham bam, thank you mec

Nola Darling (DeWanda Wise) a trois chéris. Pur enfant de Brooklyn, Mars (Anthony Ramos), fait du vélo, tchatche, et porte des lunettes spectaculaires; Greer Childs (Celo Anthony), mannequin, s’affirme au travers de son corps et de sa culture; quant à Jamie (Lyriq Bent), banquier, il représente la maturité et la sécurité. Chacun d’entre eux tanne Nola pour obtenir l’exclusivité amoureuse. Éprise de liberté, la jeune artiste plasticienne défend son pré carré. Celui qui n’est pas content peut prendre la tangente, elle s’en remettra.

Mais la vie n’est pas simple quand on est une jeune femme polyamoureuse, artiste, noire, voire pansexuelle (potentiellement attirée par toute personne, quel que soit son sexe et/ou son genre). Cette liberté qu’elle a choisie lui sera reprochée au moindre incident de parcours. Se fait-elle agresser ? Ses amants comme ses amis vont la sommer d’être plus prudente, moins légère. Comme si elle agissait en enfant gentiment capricieuse.

Regard doré et malicieux, physique de rêve: la comédienne DeWanda Wise, qui incarne le rôle principal, est en tout point sublime. Spike Lee, pour autant, fait de son personnage une femme complexe plutôt qu’un sex symbol. Les scènes de sexe, quoi que rythmant le récit des dix-neuf épisodes (deux saisons, on peut se passer de la deuxième), restent très secondaires et c’est le ton – celui d’une comédie douce amère – mâtiné d’images très belles de Brooklyn et d’une bande-son qu’on s’empresse d’aller chercher sur sa plateforme préférée, qui servent au mieux la délicatesse de Nora Darling et la force de son propos (mention spéciale au générique, presque aussi beau que DeWanda Wise!).

Lire aussi: 
The Naked Director
, ou comment un entrepreneur en slip kangourou a entrepris de révolutionner le X dans les eighties.

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