La grande Bretécher est morte.
Et nous en sommes bien tristes. Les grands comme les petits lui rendent hommage, en un concert n’accueillant que peu de couacs. À part bien sûr du côté de notre ministre de l’Éducation nationale, Jean-Michel Blanquer. Qui, pour saluer la mémoire de celle qui fut désignée par Roland Barthes en 1976 « meilleur sociologue de l’année », se fend d’un tweet :
Ceci, je le précise, n’est pas un canular. Claire Bretécher tire sa révérence et notre vaillant ministre rend hommage…. à son mari, mort il y a sept ans. Et regrette le manuel d’éducation civique avorté.
Merci pour ce moment, Jean-Michel, vraiment.
Comment ne pas faire le lien avec un autre tweet de notre « White Ker » national (je renvoie celles et ceux qui ne connaissent pas ce surnom à sa très mignonne histoire, si joliment relatée par Closer tout récemment, un autre tweet donc, dans lequel il écrivait, plein d’un enthousiasme presque communicatif : « L’égalité et le respect femmes-hommes au cœur de l’éducation ! Avec @MarleneSchiappa au lycée P-E Victor d’Osny. »
Mais c’est qu’il y a tant de choses au cœur de l’éducation : des CRS casqués qui surveillent les épreuves de bac, des profs en burn-out, des retraités en voie de paupérisation, des salles de concours de plus en plus vides, etc.
Je m’égare.
Revenons-en à nos femmes et à nos hommes, à leur fameuse égalité et à ce qui pousse un ministre si engagé sur ce front sublime à rendre hommage au « mari de » plutôt qu’à la dame dont le nom est connu et reconnu (et que des baffes se perdent).
Mais il ne faut pas s’énerver, il ne faut pas insulter les gens. Il faut les soigner. Parfaitement. Et c’est ce que nous faisons, avec une résolution qui parfois frise l’héroïsme, au sein du service de médecine littéraire. Et White Ker est un patient comme les autres.
Que nous allons donc soigner.
Et il a de la chance, Whiter Ker, car un traitement magnifique vient de sortir aux éditions La Contre Allée. Il a été concocté par Amandine Dhée et s’intitule À mains nues.
Amandine Dhée est une femme qui écrit, non pas des Tweets mais un livre, qui évoque ce que c’est que d’être une femme, ce que c’est que de grandir et de devenir une femme. Elle raconte un chemin personnel :
« Soudain, j’ai envie de retourner vers la petite fille que j’ai été, rendre visite à l’adolescente et à la jeune femme qui furent moi. Tenter de comprendre, mesurer le chemin parcouru, retrouver la joie, la colère et le chagrin de ces années-là. Et renouer avec un autre moi qui, parfois, aurait mal au bout des doigts ».
Mais ce chemin est aussi celui de toutes celles qui lisent ce livre, et c’est aussi, d’une certaine façon, celui des hommes qui s’y plongent, car il y est question de ce qu’est une famille (« Passer du couple à la famille est une question d’amour et d’horaires. Depuis l’enfant, nous vivons un véritable redressement chronologique »), d’énergie qui s’épuise, de doutes. Et puis d’enfance, d’adolescence, de cheveux blancs. Amandine Dhée parle aussi de plaisir, de sexe plus ou moins libéré ou abandonné (« Je réalise que certaines femmes sont soulagées de tourner le dos au sexe et de mettre fin à cette pression insupportable. Ne pas baiser comme une ultime façon d’être libre »). Elle parle aussi de féminisme (« Elle se retourne alors vers la petite fille et l’adolescente qu’elle a été, et comprend que son immense appétit d’être une femme s’est retourné contre elle. Qu’on lui a appris à chercher sa valeur dans les yeux des autres »).
Au fond, ce livre est une leçon de liberté. Et de respect.
L’assemblée générale du service de médecine littéraire, réunie en février 2020 au sein de son hôpital, exige que lecture soit faite à notre ministre de ce texte nécessaire, à raison d’un chapitre par soir. Des agents des forces de l’ordre surveilleront le bon déroulé de la lecture et la moindre incartade sera sévèrement sanctionnée.
Voté à l’unanimité.
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