Chefs-d’œuvre retrouvés de la littérature érotique : chaque semaine, Édouard Launet révèle et analyse un inédit grivois ou licencieux, voire obscène, surgi de la plume d’un grand écrivain.
Parmi les choses qui foutent le camp, il y a l’art des vers holorimes. Ce divertissement en vogue aux XIXe et XXe siècles consistait à se faire succéder des vers parfaitement homophones, c’est-à-dire se prononçant de la même manière mais racontant des choses fort différentes. Un des distiques holorimes les plus célèbres est dû à la plume d’Alphonse Allais, lequel fut un spécialiste du genre :
Par les bois du Djinn où s’entasse de l’effroi,
Parle et bois du gin, ou cent tasses de lait froid.
Quelques décennies plus tard, Jacques Prévert faisait écho à ce conseil quoique en recommandant d’autres breuvages :
Dans ces bois automnaux, graves et romantiques,
Danse et bois aux tonneaux, graves et rhums antiques.
Victor Hugo fut un autre maître de l’art holorime, avec une préférence pour la veine mythologique comme le montre cet impératif :
Ô, fragiles Hébreux ! Allez, Rebecca, tombe !
Offre à Gilles zèbre, œufs. À l’Érèbe hécatombe !
Cette fois, c’est Louise de Vilmorin qui s’est chargée de prolonger le poème pour (peut-être) célébrer la solitude glacée du poète dans son caveau du Panthéon :
Étonnamment monotone et lasse !
Est ton âme en mon automne, hélas !
Quant à Rebecca :
Elle sort, là-bas, des menthes,
La belle Ève à l’âme hantée.
Et le sort l’abat, démente…
L’abbé laid va lamenter.
Mais revenons à Alphonse Allais, dont une partie du travail holorimique est restée dans les cartons, ceux de la BNF en l’occurrence. Vu leur nature, ces inédits eussent peut-être mieux fait de ne jamais en sortir. Hélas, travaillant à une biographie de l’humoriste, Patrick Sue les a retrouvés et s’est empressé de les faire publier dans L’Allaisienne, la lettre confidentielle de l’Association des Amis d’Alphonse Allais. Nous les reproduisons ici presque à contre-coeur :
Annonce faite à une jolie complice par un complotiste anti-révolutionnaire :
Dans ton vagin dressé, touffe rabotée
Danton va geindre et s’étouffera, beauté.
Question faite à un poissonnier lubrique par un titi parisien allongé à plat ventre sur son étal, et réponse du premier :
– Comment c’est fait, c’mérou, c’thon ?
– Comme en ces fesses, mes roustons.
Exclamation du second et congédiement par le premier du même :
– Voilà, mais qu’ tu m’encules serré, de part en part !
– Vois-là, mec, tu manques, ulcéré, de parents, pars !
Ce genre d’obscénités peut surprendre de la part d’Alphonse Allais, mais il est important de souligner que ces vers n’étaient pas destinés à être publiés (ce sont des contributions de l’écrivain au livre d’or du cabaret le Chat noir, un soir de beuverie) et que, de toute façon, l’homme avait un sens de l’humour étonnamment décapant. Ainsi rédigea-t-il un jour cette fausse annonce :
La jeune femme blonde que j’ai rencontrée dans le train de Saint Germain et au bébé de laquelle j’ai dit : “Toi, si tu n’arrêtes pas de gueuler, je vais te f… un coup de pied dans les parties” et qui m’a répondu : “Pardon, Monsieur, mais c’est une petite fille” est priée de laisser son adresse au journal.
Ajoutons enfin, pour sa défense, qu’Alphonse Allais n’est pas l’auteur de cette horreur :
Plus le concert dure, plus l’habitant jouit.
Plus le con serre dur, plus la bite en jouit.
Édouard Launet
Chefs-d’œuvre retrouvés de la littérature érotique
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