Une question semble aujourd’hui traverser toutes les disciplines artistiques : qu’est-ce qui fait buzzer ?
On conviendra aisément que c’est là, véritablement, le plus petit dénominateur commun. Pour avoir sans doute vu artificiellement gonfler les critiques positives des “spectateurs” d’AlloCiné concernant Les nouvelles aventures d’Aladin, le site leader de ce secteur s’est fendu d’un communiqué de presse qui a attiré l’attention sur un fait connu de la profession, mais pas du grand public. Effet pervers (et bienvenu) du buzz. En attaquant (encore) Rodrigo García, son éditeur français Les Solitaires Intempestifs et le Théâtre du Rond-Point où s’est joué Golgota Picnic, une association se revendiquant comme chrétienne a amené la ministre de la Culture, à “s’alarme[r] de l’augmentation du nombre d’atteintes à la liberté de création”. Effet pervers (et bienvenu) du buzz. Quand Philippe Sollers fait savoir son mécontentement à la lecture de La 7ème fonction du langage, de Laurent Binet, il donne un coup de projecteur à un livre dont on n’a guère parlé en cette rentrée, malgré le succès du précédent livre de son auteur. Effet pervers (et bienvenu pour l’éditeur de Binet) du buzz. À ces quelques exemples pourraient s’ajouter bien d’autres, qui suffisent amplement à comprendre qu’à vouloir interdire, dévaloriser ou travestir la réalité, on ne fait que mettre en lumière une œuvre ou une pratique que l’on aimerait voir rester dans l’ombre.
Dès lors, la question s’impose : à qui profite le buzz ? Apparemment pas à celles et ceux qui l’ont initié. Mais il en est autrement, aujourd’hui, dans bien des domaines de l’art et de la culture. On sait aujourd’hui très bien qu’un clic n’est jamais loin d’un cent d’euro, et que les artistes qui font le plus cliquer ne tardent jamais à trouver une grande maison qui leur ouvre leur porte et leur carnet de chèques. Pour revenir à Aladin, Kev Adams est une exception dans le milieu des humoristes qui a vu pléthore de jeunes “talents” d’abord buzzer avant de très rapidement encaisser les dividendes de leur notoriété numérique. Kev Adams a en effet acquis sa notoriété sur les planches et à la télévision avant de s’emparer des grands écrans. De la même façon, de Fauve à Feu ! Chatterton, nombre de groupes qui apparaissent aujourd’hui à un large public ont d’abord sillonné les petites salles de France avant de signer chez une major. Reste qu’aujourd’hui, c’est davantage vers YouTube que se tournent les casteurs et les producteurs en recherche de chair fraîche. Peut-on les en blâmer ? Du point de vue de la curiosité, certainement, puisqu’ils se contentent de zapper sur la multitude de chaînes YouTube, plutôt que d’écumer les salles de province. Du point de vue économique, certainement pas, puisque leurs recherches ne leur coûtent que le prix d’abonnement à un fournisseur d’accès à internet et leur permettent de signer des contrats dont ils seront, malgré tout, les premiers bénéficiaires.
À qui profite le buzz ? Aux puissants, à l’évidence, mais un peu, aussi, à ces artistes qui, sans les moyens de diffusion numérique actuels, n’auraient certainement jamais eu accès aux pontes des industries cinématographiques et discographiques. Restent, encore une fois, les laissés pour compte, gens de théâtre et plasticiens, qui cherchent aujourd’hui à accroître leur place sur le Net, à l’aide de teasers plus ou moins réussis. Pour eux, rien ne remplacera jamais l’expérience sensorielle et sensible bien réelle que l’on éprouve dans une salle de théâtre et devant une œuvre d’art. Je ne suis hélas pas sûr que ce soit une bonne nouvelle pour celles et ceux qui aiment passionnément la création.
Arnaud Laporte
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