EXPO
Délaisser les murs
Pas vraiment une exposition, en fait, plutôt un « projet spécial » précise le site de la galerie, une situation condensée dans le temps et dans l’espace, puisque le jeune artiste n’y présente que trois œuvres – une pièce lumineuse au sol, un voile tombant du plafond jusqu’au sol et une toile accrochée, face contre le plafond. Ces trois pièces expriment avec concision les principes fondamentaux du travail de Quentin Lefranc : délaisser les murs pour travailler l’espace comme un volume, produire un champ de forces dynamique dont les œuvres sont les pôles actifs, jouer de contrepoints, mettre en tension les formes, les surfaces, les matériaux et – chose nouvelle – les lumières. Sans doute pourrait-on, en s’inspirant des Éléments d’Euclide, désigner Exposed II comme le recueil des « éléments » de Quentin Lefranc : y sont posés les axiomes à partir desquels il développe ses propositions artistiques. D’autres viendront, c’est certain, mais on perçoit déjà que loin de provoquer un éparpillement du travail, ils en renforceront la cohérence. À l’agressivité du manifeste, l’artiste a préféré la sobriété de la démonstration : c’est ce qui fait la force d’Exposed II. NL
Quentin Lefranc, Exposed II à la galerie Jérôme Pauchant, 61 rue Notre-dame-de-Nazareth, 75003 Paris, entre le 4 et le 7 janvier.
Adieu Zgougou
Qui vient ce soir se recueillir sur la tombe des espèces disparues ? Qui vient y entendre parler les bêtes ? L’animal est l’origine de la musique (François-Bernard Mâche, Bernie Krause), l’avenir de l’homme (Hubert Reeves, Vinciane Despret) et la victime des religions monothéistes qui ont (Elisabeth de Fontenay) “coupé la parole aux animaux”. Jules Renard, absent mais excusé : “Tous les animaux parlent sauf le perroquet, qui parle”. Attention, Agnès Varda a enterré son chat dans le jardin. Il s’appelait Zgougou. NW
Le Grand Orchestre des Animaux, jusqu’au 8 janvier 2017 à la Fondation Cartier pour l’art contemporain, 261 boulevard Raspail, 75014 Paris
Oscar Wilde in the right place
On s’attend y à voir de touchantes lettres d’amour, des photos sépia de jeunes lords efféminés, les merveilleux dessins érotiques d’Aubrey Beardsley, et ces grandes toiles préraphaélites, hideuses et risibles aujourd’hui, qui faisaient les délices de la gentry anglaise et qu’Oscar portait au pinacle. On s’attend moins à y trouver André Gide, camarade de débauche, et Robert Badinter, qui revient en vidéo sur l’inique procès qui condamna Wilde à deux ans de travaux forcés pour homosexualité et incitation de mineurs à la débauche… (Lire la suite) NW
Oscar Wilde, L’impertinent absolu, Petit Palais, jusqu’au 15 janvier 2017
Qu’est-ce qui nous soulève ?
“Chaque fois qu’un mur se dresse, il y aura toujours des ‘soulevés’ pour ‘faire le mur’, c’est-à-dire pour traverser les frontières. Ne serait-ce qu’en imaginant.” Le philosophe et historien de l’art Georges Didi-Huberman a imaginé son exposition Soulèvements au Jeu de Paume, tel un tour du monde des expressions de la révolte des peuples, de la Révolution française aux printemps arabes. Avec toutes les formes d’images et de documents, de gestes en mots, de conflits en désirs, il montre que l’on a toujours levé le poing, sans asséner de leçons à coups de poings. AMF
Soulèvements, jusqu’au 15 janvier au Jeu de Paume, 75008 Paris. Catalogue, 420 p., Gallimard, Livres d’art, 49 euros.
THÉÂTRE
Fraternel
Ça crie, ça chante, ça court, ça travaille, ça transpire, c’est du théâtre de troupe, à mains nues, sans esbroufe ni fausses pistes. Créée au dernier festival d’Avignon, reprise au Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, l’adaptation des Frères Karamazov par Jean Bellorini a du souffle et de la ferveur – pas inutiles pour tenir les quelque six heures que dure la représentation –, avec des personnages fortement incarnés. Humiliation, douleur, colère, naïveté, le grand chaos émotionnel est bien au rendez-vous. (Lire la critique de René Solis)
Karamazov d’après Dostoïevski, Théâtre Gérard Philipe de Saint-Denis, du 5 au 29 janvier.
Suite de la suite
Pour harmoniser les prises de parole individuelles de sa Suite n°2 (qui fait suite à la n°1, basée sur l’unisson), Joris Lacoste a procédé en chef d’orchestre. Titanesque, son travail laisse sans voix. À leur pupitre, cinq acteurs performers – car il s’agit d’une performance hors du commun – s’emparent des mots prononcés par d’autres avec une force qui cloue le bec. Car sous ce flot ininterrompu de discours apparaît la réalité du monde actuel. Suite n°2 est en fait tout ce que les journaux télévisés ne nous disent pas avec leurs paroles orchestrées officiellement, de manière à flouter le réel. (Lire la critique de MCV)
Suite n°2, mise en scène de de Joris Lacoste / Encyclopédie de la Parole, au Théâtre Garonne (Toulouse), du 10 au 14 janvier 2017, puis les 30 et 31 janvier à la Comédie de Caen, le 31 mars 2017 à Espaces Pluriels / Théâtre Saragosse à Pau
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