Dix bonnes ou mauvaises raisons
1
Parce que c’est un texte qui part du principe « qu’il y a des jours avec et des jours sans. Ou des années avec et des années sans ». Et que, à lire ça en 2020, on ne peut que souscrire.
2
Parce que le sujet, c’est que « le monde est parti en sucette » : « Tout va bien, ta femme t’aime, la cafetière cafète et le mixeur mixe, tout est à sa place, ta vie est une belle succession de domesticité sexuée et de crédits à la consommation alléchants, tu bâilles et bim tu te retrouves dans un Tex Avery écrit par Kafka sous LSD ». Et que, à lire ça en 2020, etc.
3
Donc une histoire de fin du monde, que l’on suit en compagnie d’un looser vaguement survivaliste, coincé dans sa cave avec son chien et son lapin. Et c’est drôle.
4
Le gars, il était looser, déjà, avant que le monde fasse boum : « Je ne travaille plus depuis un moment. Plus envie ». « Je bricole. Un jour mon petit à la crèche il a dit ‘Papa il picole.’ C’était pour dire il bricole bien entendu ».
5
Parce qu’attention, bien sûr le roman touche à l’universel de la condition humaine, avec des réflexions sur la vie, l’amour, la mort dont vous ne sortirez pas indemne : « La vie ce petit inventaire merdouilleux ». Et bim.
6
Le gars, dans sa cave, malgré la situation désespérée dans laquelle il est coincé, il réfléchit à ce qu’il faudrait pour tout remettre à plat : « Je pourrais refonder une civilisation ». Avec des principes. Exemple : « Le mec qui propose un rond-point, une réunion de copro ou un Flunch dans une galerie marchande on le fusille ». Et bim.
7
Il y a dans ce récit une remise en question personnelle du protagoniste principal qui force le respect : « j’ai soudain pris conscience de la portée infinie, galactique, métaphysique, de ma stupidité. Dans certains domaines on ne se déçoit jamais. Toujours plus loin Tintin ».
8
Et puis il y a la révolte : « Moi ça m’a foutu les boules. Cette façon qu’avait le monde de me piétiner sans arrêt. Ce cynisme divin. Cette constance avec laquelle la vie me chie dessus depuis des lustres. Au bout d’un moment y en a marre, on a sa fierté. Il s’agit de se lever et de dire stop. »
9
Le récit ne fait pas toujours assaut de délicatesses, disons-le, ça pue la merde et la transpiration dans cette cave fermée, mais, sans vouloir vous spoiler, on prend une grande bouffée d’air à la fin.
10
Bref, on s’est bien marré en lisant cette histoire de fin du monde, qui en plus se termine pas si mal, alors on referme le livre plutôt heureux. Et on retourne en 2020…
Allez hop.
Nathalie Peyrebonne
Dix bonnes ou mauvaises raisons
Fin de saison de Thomas Vinau, Gallimard, coll. Sygne, octobre 2020, livre imprimé 16€, livre numérique 11,99€
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