“Le tribunal refuse au Monstre en Spaghettis Volant le statut de ‘Dieu’.” (Religion News Service)
Un tribunal fédéral américain a rendu un jugement de seize pages pour dénier au culte du “Flying Spaghetti Monster”, alias “His Flying Noodliness”, le statut de religion. Ce document est une lecture impérative pour les jours de grand cafard.
Résumons l’affaire. Un homme emprisonné dans un pénitencier du Nebraska a porté plainte contre l’établissement au motif que celui-ci ne le laissait pas pratiquer librement sa religion, le pastafarisme – ou FSMisme (pour Flying Spaghetti Monsterism) – alors que ses co-détenus chrétiens ou musulmans étaient libres de pratiquer la leur. Odieuse discrimination ! Instruction. Procès. Jugement. Défavorable hélas !
Les bases du pastafarisme ont été posées vers 2006 en réaction à une flambée obscurantiste : des institutions scolaires américaines commençaient à l’époque à promouvoir l’Intelligent Design, sorte de créationnisme des temps modernes selon lequel le monde vivant ne serait pas le résultat de l’évolution mais de la volonté d’une intelligence supérieure. Comme cette pseudo théorie scientifique ne précise pas la nature de l’intelligence supérieure en question, pourquoi ne pas imaginer qu’il s’agit d’un tas de spaghettis ? Après tout, si l’on se base sur des preuves concrètes, une nouille a autant de légitimité à être le Créateur que n’importe quel autre Dieu. Ainsi naquit His Flying Noodliness et son Église de joyeux déconneurs, lesquels sont souvent déguisés en pirates ou portent des égouttoirs à pâtes sur la tête.
Chaque religion a sa liturgie et ses accessoires, tout croyant a droit au respect de ses convictions. Pourquoi le pastafarisme devrait-il être discriminé ? Réponse des juges : “Le FSMisme est clairement une satire. La considérer comme une doctrine religieuse reviendrait à admettre que l’on peut baser un culte sur n’importe quel ouvrage de fiction. Un prisonnier qui aurait lu les ouvrages de Kurt Vonnegut ou de Robert Heinlein pourrait les déclarer livres sacrés et demander à pratiquer le bokononisme (culte imaginé par Vonnegut dans le Berceau du Chat, ndlr) ou la religion de l’Église de Tous Les Mondes (idem pour Heinlein dans En Terre Étrangère). Bien sûr, certains plaideront que la Bible ou le Coran sont tout autant des livres de fiction. Il n’est pas aisé de tracer une ligne claire en la matière. Mais il existe une limite, qui est qu’une pratique ne peut être déclarée ‘religieuse’ uniquement parce qu’un individu la considère comme telle (elle revendique des milliers d’adeptes pourtant, ndlr). La Cour estime que le FSMisme est au-delà de cette limite”.
Relisez bien ces lignes car elles montrent à quel point la justice américaine en est réduite à la pifométrie pour évaluer la légitimité d’une conviction religieuse. Elles indiquent par ailleurs que les magistrats du Nebraska piochent volontiers dans le rayon science fiction de leur bibliothèque pour nourrir leurs attendus. Enfin, ce jugement n’exclut pas que la Bible et le Coran soient de pures fables : il s’agit donc, au bout du compte, d’une grande victoire pour le Monstre en Spaghettis Volant et ses incurables adeptes.
La vieille Europe, elle, est bien plus respectueuse de la liberté de culte, ou dotée d’un sens de l’humour plus développé : en janvier, la Hollande – via sa Chambre de commerce – a reconnu le pastafarisme comme étant une religion à part entière. Gloire au Monstre ! Que Ton règne vienne al dente !
Édouard Launet
Sciences du fait divers
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