“Il fait manger un gâteau au cannabis à ses collègues de l’Intermarché.”
Pendant la pause matinale, les employés d’un supermarché d’Eure-et-Loir se sont retrouvés autour d’un gâteau au chocolat confectionné par le titulaire du rayon boucherie. Chouette ! Une vingtaine de minutes plus tard, ils ont commencé à se sentir tout bizarre. Cinq d’entre eux ont pris le chemin de l’hôpital. Pâtisserie pas fraîche ? Non, space cake. Le boucher a fini par l’avouer à la maréchaussée : il avait mis dans son gâteau un peu de shit, alias la résine de cannabis des rapports de police. Et pourquoi donc? “Par dépit amoureux” a expliqué le boucher-pâtissier, qui a écopé de huit mois avec sursis et 1 500 euros d’amende. Cela fait cher le chagrin d’amour.
Faire manger, à leur insu, un space cake à ses collègues, camarades ou amis est affaire assez courante, quoique ce genre de plaisanterie se produise plus souvent dans les lycées et collèges que dans la grande distribution. L’expérience peut être pénible car les effets du gâteau chargé sont moins contrôlables que ceux d’un bon vieux spliff. Et puis il y a tellement de sagouins ! On ne fait pas un space cake en émiettant bêtement un vieux bout de shit dans sa préparation pâtissière. Il faut au préalable confectionner un beurre de Marrakech, mélange d’herbe bouillie et de beurre dont la recette est donnée à peu près partout sur le Web. Utiliser un bon chocolat est important également : ce n’est pas parce que vous allez intoxiquer la moitié de votre établissement qu’il faut négliger ses papilles. Bref, réveillez donc le cuisinier qui est en vous avant d’expédier vos camarades vers un monde récréatif.
Avant que les convives ne soient trop haut perchés, ou déjà partis en ambulance vers les urgences, expliquez-leur que le tétrahydrocannabinol dont ils vont goûter les effets sans l’avoir voulu est une molécule liposoluble. C’est-à-dire que le principe actif du cannabis se dissout parfaitement dans les graisses, avec deux conséquences notables : il s’incorpore bien au beurre (voir plus haut) et reste présent longtemps dans l’organisme (jusqu’à quelques semaines). Ceci étant exposé, vous n’aurez plus guère le temps de détailler les mécanismes enzymatiques de la digestion, qui sont tels que certains ingrédients peuvent atténuer les effets du space cake, car vos collègues seront déjà en train de vomir ou bien de rire grassement, preuve qu’ils auront bien assimilé la notion de liposolubilité.
Un supermarché est le dernier endroit à choisir pour ce type d’expérience, ou alors procédez au rayon Farces et Attrapes. Si votre ambition politique vous a propulsé jusqu’au Conseil des ministres, pourquoi ne pas partager votre gâteau d’anniversaire un peu spécial avec le Président ? Lorsque celui-ci, les pupilles affreusement dilatées, se tournera vers vous en balbutiant : “Tu sais pas ce qui m’rappelle ton cake ? Cette espèce de drôlerie qu’on bouffait dans une petite tôle de Biên Hoa, pas loin de Saïgon, les volets rouges…”, alors éloignez discrètement le chef de l’État des boutons de commande de la force nucléaire. Et ne changez plus rien à votre recette.
Édouard Launet
Sciences du fait divers
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