Insultologie Appliquée. La Terre se réchauffe, les esprits s’échauffent, les chefs d’État s’injurient : l’insulte est l’avenir d’un monde en décomposition. Chaque semaine, la preuve par l’exemple.
Où en étions-nous ? Ah, oui : le populisme se porte de mieux en mieux sur cette planète, le climat se dégrade de plus en plus vite, les relations sociales se durcissent, la jeunesse désespère ou s’en fout, tandis que les mots se font de plus en plus violents. Pourquoi se priver ? En réaction à la vidéo virale qui montrait quelques chefs d’État, dont Emmanuel Macron, se moquant de lui lors du sommet des 70 ans de l’OTAN, Donald Trump s’est lâché contre le président français, le qualifiant de “pain in the ass” (casse-couilles ou emmerdeur, comme on voudra) devant une douzaine d’ambassadeurs de l’ONU. C’est le genre de langage que prise son électorat, alors il n’a aucune raison d’en changer. S’en prenant à la chef démocrate du Congrès américain après une réunion à la Maison-Blanche sur la Syrie, le Président américain a dit : “Nancy Pelosi a besoin d’aide et vite ! […] Priez pour elle, c’est une personne très dérangée !”. Joe Biden, qui pourrait être son adversaire démocrate lors de la présidentielle de novembre 2020 ? “Un mauvais sénateur ! […] Il a été un bon vice-président simplement parce qu’il a compris comment être lèche-cul avec Barack Obama”.
Résultat : Trump n’a jamais été aussi populaire. Quant à Boris Johnson, dont l’expression est à peine moins directe, il vient de gagner haut la main les dernières élections. Emmanuel Macron devrait en prendre de la graine. Pourquoi n’a-t-il pas encore traité les patrons des syndicats d’enfoirés de leur mère et Mélenchon de tête de noeud ? Peut-être garde-t-il ce genre de qualificatifs pour la sphère privée, auquel cas ce serait un très mauvais calcul de sa part. Si demain le Président français twittait un “Trump est un gros connard irresponsable”, il en tirerait un double bénéfice : on parlerait moins du dossier des retraites pendant au moins quelques heures, et ses homologues le trouveraient tout de suite beaucoup plus sympathique.
Au lieu de quoi notre président produit des tweets lénifiants comme, le 13 décembre : “Pour notre avenir, l’Europe doit se doter d’un budget ambitieux pour investir dans une alimentation saine, dans la transition écologique, le numérique et l’intelligence artificielle, la défense et la protection de nos frontières”. Il n’y a plus de conseiller en communication à l’Élysée ? L’heure n’est plus aux subtilités, aux phrases vides et vaines. Macron eût mieux fait de clamer urbi et orbi : “L’Europe est devenue une pétaudière en état de mort cérébrale” car, après tout, l’Union ne se porte guère mieux que l’Otan.
Au lieu de tweeter, le 3 décembre, “L’oxygène que nous respirons ? L’océan en produit plus de la moitié. L’océan est notre poumon, un poumon qui menace aujourd’hui de s’étouffer”, il aurait dû écrire : “On va tous crever, les gars, sauve qui peut !”.
Au train où vont les choses (un sur quatre aux heures de pointe), il n’y aura bientôt plus qu’à tendre des cordes de clocher à clocher, et danser. Comme le suggérait le divin Arthur.
Édouard Launet
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