La revue culturelle critique qui fait des choix délibérés.

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L’affaire Boudini
| 07 Mar 2021
Faits divers, carnets mondains, nécrologies, publicités, potins et autres bruits du monde…

 

L'affaire Boudini. Le magicien qui coupa sa femme en deux morceauxC’est par un invraisemblable coup de théâtre que vient — peut-être, qui sait ? — de s’achever la macabre affaire Boudini. À l’attention de la part de notre lectorat qui aurait vécu en coma profond ou sur la planète Mars depuis un an, nous rappelons brièvement les faits. 

Le célèbre illusionniste était à l’affiche des Folies Mégère depuis plusieurs semaines, quand a été annoncé le premier confinement. La dernière représentation avant fermeture du théâtre, s’achevait comme les précédentes par le numéro le plus spectaculaire de l’artiste : La femme coupée en deux.

Toutes celles et tous ceux qui ont déjà eu la chance d’assister à ce tour magistral ont frémi au moment où le magicien commençait à scier la caisse oblongue dans laquelle Madame Danuta* – sa partenaire à la scène comme à la ville – avait pris place. Qui n’a poussé un cri en voyant le sang commencer à couler sur le sol ? D’autant que l’illusionniste avait récemment décidé de rendre son tour encore plus dramatique en remplaçant sa longue scie égoïne par une scie circulaire. Pour corser le tout, il faisait distribuer des bâches en plastique transparent aux spectateurs des premiers rangs ! Une promesse de frissons !

Un numéro qui coupe court !

Le soir du 16 mars, tout avait commencé comme à l’habitude. Madame Danuta était alors allongée dans sa caisse. N’apparaissait plus d’elle que sa tête aux yeux bandés à gauche et ses pieds à droite. La scie circulaire avait entamé sa sinistre coupe et déjà le sang avait éclaboussé la part du public la « mieux » placée. Une spectatrice plus émotive s’était évanouie. La routine donc ! 

C’est alors que que le disque denté parut rencontrer une résistance inhabituelle, toussota et s’emballa avant de finalement achever sa course. Le magicien semblait décontenancé… ou feignait de l’être. Toujours est-il qu’après qu’il eut touché la caisse avec sa baguette et prononcé l’habituelle formule, le couvercle ne s’ouvrit pas, comme tous les soirs, pour laisser apparaître sa partenaire indemne. Il fallut l’admettre, cette fois, Madame Danuta avait bien été coupée en deux !

On se souvient du mouvement de panique qui s’ensuivit, de la fuite éperdue des spectateurs et après la bousculade, des nombreux blessés évacués dans les différents hôpitaux parisiens.

Le magicien incarcéré

Les deux moitiés de Madame Danuta avaient été transportées en urgence à l’institut médico-légal et le magicien placé en garde à vue. Interrogé par la police, à toutes les questions, il répondait inlassablement : « Il y a un truc ! »

Tout d’abord inculpé pour violence volontaire ayant entrainé la mort sans intention de la donner, de nouveaux interrogatoires conduisirent le juge d’instruction à requalifier les faits en meurtre avec préméditation.

Dans l’attente de son procès, le magicien Boudini avait été incarcéré à la prison de la Santé. Examiné par un psychiatre, il avait été jugé parfaitement sain d’esprit. Refusant l’avocat désigné d’office, il avait tenu à se défendre lui-même. À chaque nouvel interrogatoire, son système de défense demeurait toujours le même : « Il y a un truc ! »

Une triste inhumation

Les deux tronçons de Madame Danuta – que, soit dit en passant, d’après des témoins, le magicien appelait familièrement sa moitié – avaient été inhumées au cimetière parisien de Bagneux. 

Circonstance cruelle due aux mesures sanitaires, les deux portions susnommées n’avaient pu être accompagnées par aucun membre de la famille de la malheureuse!

C’était donc avant-hier que devait avoir lieu la réconstitution du « crime », sur la scène des Folies Mégère. Pour plus de sûreté, les environs du théâtre avaient été bouclés par la police.

Le magicien joint les deux bouts !

René Durand (son vrai nom à l’état civil) avait exigé de porter son costume de Boudini. Un mannequin à la taille de Madame Danuta avait été placé dans la caisse. Des policiers s’étaient placés au premier rang afin de recréer en tous points l’atmosphère d’une véritable représentation. Pour plus de véracité, le mannequin avait été recouvert de sauce tomate. Quand la scie circulaire s’est mise en route, les policiers ont donc été aspergés. À part l’oubli – fâcheux – des bâches protectrices en plastique, l’illusion était parfaite !

C’est alors qu’eut lieu le coup de théâtre. Du bout de sa baguette, Maître Boudini venait de frapper à trois reprises la caisse sanglante en prononçant des formules incompréhensibles.

À la grande stupeur des personnes présentes, le couvercle s’est soulevé, d’abord très lentement, puis brusquement.

Madame Danuta est apparue souriante,  fraîche comme la rosée. Enjambant grâcieusement le bord de la caisse, elle s’est avancée d’un pas léger sur le devant de la scène et a esquissé une révérence. Stupéfaits, plusieurs des figurants en uniforme ont applaudi à tout rompre… avant d’être fermement tancés par leurs supérieurs.

Dans la caisse, plus de mannequin ! Des policiers ont été dépêchés en urgence au cimetière de Bagneux. Aussitôt l’autorisation obtenue, la pierre tombale a été déplacée et le cercueil ouvert. 

Il était vide… si l’on excepte le petit mot – laconique – trouvé au fond : « Il y a un truc ! »

S. Perluette
Choses revues

* polonaise, elle était née à Szczebrzeszyn comme Krzysztof Mayeusz dont nous vous avons relaté l’étrange histoire dans ces pages.

***

Ridiculisé, le parquet envisage à présent de poursuivre l’illusionniste pour outrage à magistrat et mise en danger de la vie d’autrui. N’oublions pas les blessés et le fait que les conséquences de la bousculade du 16 mars 2020 auraient pu être beaucoup plus graves !

 

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