Quiconque a jamais rêvé d’aller non pas à l’opéra, mais au milieu d’un opéra, de se trouver sur la scène, immergé.e tout à la fois dans l’art et dans la fiction qu’il représente, sera peut-être étonné.e d’apprendre que ce n’est pas là un fantasme irréalisable. Il faut pour cela se rendre à Metz et de plonger dans une exposition dont la scénographie a été confiée – il suffisait d’y penser – à une scénographe d’opéra.
Tandis qu’à Paris le Palais Garnier essaie d’attirer les touristes en leur promettant une factice chasse au fantôme, c’est une vraie randonnée dans un circuit de train fantôme qu’a construit à Metz Małgorzata Szczęśniak. On progresse parfois à tâtons, dans le noir, comme en coulisses ou backstage, et à chaque étape on pénètre dans l’évocation sonore et visuelle d’une opéra associé à une ligne de force thématique. Comme à l’opéra, il y a à la fois des costumes, des images et de la musique, à cela près qu’ils ne sont pas devant la spectatrice mais autour d’elle.
Vite on se souvient, si on l’avait oublié, qu’opéra veut dire œuvres, au pluriel, et que tout artiste, qu’il soit ou non musicien, devrait peut-être rêver de faire œuvres autrement dit un opéra. La scénographe de Krysztof Warlikowski a elle-même construit une exposition d’œuvres, c’est-à-dire une exposition opéra. Ou plutôt une exposition d’opéras, de plusieurs opéras, le suivant n’effaçant jamais le précédent, Mozart continuant à se faire entendre comme on aborde les images de Romeo Castellucci pour Schoenberg auxquelles se superpose, quelque part dans l’espace sonore, un leitmotiv wagnérien. L’œuvre d’art totalement totale se trouve aussi là, non pas seulement dans l’alliance des arts, mais dans la rencontre des œuvres.
Comme on progresse, on n’abandonne pas les images et les notes, mais on les thésaurise sans qu’elles s’annulent, comme un immense accord pour un orchestre imaginaire. Et se dessine peu à peu le rêve de se trouver en un centre sans cesse déplacé où voir et entendre tous les opéras à la fois.
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