Signes précurseurs de la fin du monde : chaque semaine, l’Apocalypse en cinquante leçons et chansons. Ou peut-être moins si elle survenait plus tôt que prévu.
Selon Anas ibn Malik, qui le tenait de Mahomet lui-même, « Parmi les signes de l’Heure (de la fin des temps) figurera la rareté de la science, la propagation de l’ignorance, la banalisation de la fornication, l’importance numérique des femmes, la diminution des hommes au point qu’il y aura cinquante femmes sous l’autorité d’un seul homme. » Autre signe de la fin des haricots selon l’islam : « Les femmes seront dévêtues tout en étant habillées. » Ces deux hadiths conjugués promettent une fin du monde assez haute en couleurs. D’ailleurs le Prophète a prévenu : « La Fin du Monde n’aura pas lieu tant que les gens ne s’accoupleront pas en public dans la rue comme le font les ânes », ce qui revient à dire que l’ultime jour sera une partouze comme on en a peu vu. Hélas, ce sera la dernière. Pour les chrétiens, l’Apocalypse se présente beaucoup moins bien. Dès que le septième sceau sera brisé, s’abattront sur la Terre tonnerre, éclairs, tremblements de terre, grêle et feu mêlés de sang, tout cela sur fond de trompettes au son nettement moins mélodieux que celle de Chet Baker.
Christianisme et islam sont au moins d’accord sur un point : à l’heure de la fin des fins, les faux prophètes se mettront à pulluler, et beaucoup de gens les suivront. Les sectes millénaristes et leurs suicides collectifs en donnent déjà une assez bonne idée. Il est vrai que plein de gens sont prêts à se tuer pour échapper à l’apocalypse. C’est idiot car on peut réchapper. Par exemple, la fin du monde prévue le 21 décembre 2012 par les exégètes new age des textes mayas a fait relativement peu de dégâts. Je le sais car ce jour-là j’étais perché en haut d’un immeuble de Rennes à guetter l’aurore. J’étais l’une des 729 personnes qui se sont relayées, entre le 30 septembre 2012 et le 29 septembre 2013, pour veiller sur Rennes au lever et au coucher du soleil (un joli projet de la chorégraphe Joanne Leighton). Moi, pas de bol, c’est tombé le jour de la fin du monde. Mais, coup de chance, le soleil s’est bien levé ce 21 décembre, et à une heure décente en plus : 8h57. Il s’est couché à 17h09 mais je n’étais plus là pour le voir : j’avais rendez-vous chez le dentiste. Ma dent dévitalisée fut la seule victime du jour.
Il faut se méfier des prophètes, mais jamais des prophéties du cinéma. Intérieur nuit. Ils sont au lit. Elle est éveillée, il dort. Elle, soudain : « C’est horrible ! » Lui, se dressant : « Quoi ? Qu’est-ce qui est horrible ? » Elle : « Tout ! Tout est horrible ! » C’est une scène du merveilleux Je t’aime, je t’aime d’Alain Resnais. Je cite ce bout de dialogue de mémoire ; peut-être que l’actrice Olga Georges-Picot ne dit pas horrible, mais terrible, ou affreux. Peu importe : à la fin du film, le personnage incarné par Olga meurt asphyxié au gaz. Dans la vraie vie, l’actrice s’est suicidée, trente ans après la sortie du film. Quant à Claude Rich, son partenaire dans cette scène, il est mort de sa belle mort (en 2017) mais après une vie perlée d’épisodes de dépression et de terreur inexplicable. « Des moment de terreur silencieuse », m’avait-il confié un jour, sans vouloir en dire plus.
L’apocalypse est dans nos têtes, elle s’y faufile sous les traits de la vieillesse. Avec Aragon et Ferrat, nous chanterons aujourd’hui :
Combien faut-il d’années-secondes
À l’homme pour l’homme abjurer
Pourquoi pourquoi ces simagrées
Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre pour le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger.
Édouard Launet
Signes précurseurs de la fin du monde
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