Marc Martin vient de publier une brochure aussi élégante que dérangeante puisqu’elle traite d’une question qui fait débat aussi bien du côté des conservateurs que dans le milieu gay aujourd’hui devenu presque traditionaliste à force de vouloir ressembler à la famille petite bourgeoise de la classe moyenne (mariage, enfants, respectabilité) : la question de la transidentité.
Dans cette brochure qui accompagne une exposition qui se tient à Berlin, Marc Martin montre le corps d’une femme devenue un homme sous le prénom de Jona. Il photographie ce corps nouveau sous ses différentes facettes : habillé d’un simple débardeur, en tenue de boxeur, nu enfin. Les images sont souvent frontales. Certaines peuvent déranger. Mais c’est bien là le propos de ce photographe engagé : rendre visible ce que la société recouvre d’un voile pudique. Parler de transidentité n’est déjà pas commode (on sent la plupart des gens gênés aux entournures), mais la montrer semble passer la permission. Marc Martin plante donc son objectif là où il faut, sur les cicatrices laissées sur la poitrine par la mastectomie, sur le sexe. Il montre aussi un acte d’amour : un homme enfouit son visage dans le sexe de ce partenaire trans.
Cette brochure est en ce sens remarquable car elle nous force à réfléchir et à interroger nos propres préjugés ou nos propres peurs. On pourrait ici reprendre le titre de l’excellent livre de Judith Butler qui est désormais un classique et l’appliquer à ce que nous montre Marc Martin : trouble in gender.
Ce petit livre de photos est accompagné de plusieurs textes dont un de Jona James où il explique son choix : « Je suis né dans un mauvais corps (…). Pour moi, ce corps a toujours été le mien, sauf qu’à la puberté, il s’est transformé d’une façon qui ne me correspondait pas. Maintenant je renverse la vapeur et je me retransforme jusqu’au point où je pourrai dire que je me (re)connais. »
Enfin il y a dans la démarche de Marc Martin une formidable leçon de tolérance. Il nous rappelle qu’il n’est pas besoin de comprendre ce que l’autre aime ou fait pour tolérer ce qu’ilaime et décide de faire. Il en va déjà de même dans la sexualité. Le désir de l’autre (qu’il soit hétéro ou homosexuel) nous est toujours étranger : nous ne comprenons que nos propres désirs et encore n’est-il pas certain que nous les comprenions toujours nous-mêmes. A fortiori en va-t-il de même pour les questions d’identité. Si le phénomène de la transidentité m’échappe, est-ce une raison pour le nier ? So what ?!
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